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vendredi, 12 avril 2024

La métamorphose de Macron, la crise de l'axe franco-allemand et la destruction de l'espace politique européen

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La métamorphose de Macron, la crise de l'axe franco-allemand et la destruction de l'espace politique européen

Roberto Iannuzzi

Source: https://geoestrategia.es/noticia/42578/politica/la-metamorfosis-de-macron-la-crisis-del-eje-franco-aleman-y-la-destruccion-del-espacio-politico-europeo.html

Les déclarations belliqueuses du président français sont le symptôme d'une crise profonde du leadership européen, et non la réponse à une menace russe réelle.

Ce qui, à la fin du mois de février, semblait être une plaisanterie du président français Emmanuel Macron ("l'envoi de troupes occidentales en Ukraine n'est pas à exclure") est devenu, au fil des jours, le cheval de bataille du chef de l'Élysée.

Lors d'une interview télévisée à une heure de grande écoute, le 14 mars, M. Macron est allé plus loin. Décrivant à nouveau le conflit ukrainien en termes existentiels ("Si la Russie devait gagner, la vie des Français changerait", "Nous n'aurions plus de sécurité en Europe"), le président français a réaffirmé que l'Occident ne devait pas permettre à la Russie de GAGNER.

Expliquant que l'Occident avait franchi toutes les lignes rouges précédentes en Ukraine (en envoyant à Kiev des missiles et d'autres systèmes d'armes qu'il était initialement impensable de fournir), il a laissé entendre que l'envoi de soldats ne devrait pas non plus être considéré comme tabou (en effet, des militaires de l'OTAN se trouvent déjà en Ukraine).

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Ambiguïté stratégique

En précisant que la France ne prendra jamais l'initiative militaire d'attaquer les Russes sur le territoire ukrainien, le président français a maintenu une ambiguïté délibérée sur la possibilité réelle d'envoyer des troupes et sur les objectifs possibles d'une telle mission, la définissant comme une "ambiguïté stratégique".

Il a de nouveau souligné ces concepts dans une interview accordée au journal Le Parisien, à son retour d'une réunion du "Triangle de Weimar" (regroupant l'Allemagne, la France et la Pologne) à Berlin.

"Notre devoir est de nous préparer à tous les scénarios", a déclaré M. Macron, précisant que "peut-être qu'à un moment donné - je ne le souhaite pas, je ne serai pas celui qui prendra l'initiative - il faudra mener des opérations sur le terrain, quelles qu'elles soient, pour contrer les forces russes. La force de la France, c'est que nous pouvons le faire".

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Quelques jours plus tard, Le Monde publiait un éditorial signé par le chef d'état-major des armées françaises, le général Pierre Schill (photo, ci-dessus), intitulé avec éloquence "L'armée française est prête".

Dans cet article, Schill écrit que "contrairement aux aspirations pacifiques des pays européens, les conflits qui se déroulent aux marges de notre continent témoignent non pas tant d'un retour de la guerre, mais de sa permanence en tant que mode accepté de résolution des conflits".

Sur la base de ce singulier axiome, le général a déclaré que la France a la capacité de déployer une division de 20.000 hommes en 30 jours et est capable de commander un corps d'armée de 60.000 hommes éventuellement fourni par des pays alliés.

Scénarios d'intervention

Ce que les forces françaises pourraient faire en Ukraine a été expliqué, toujours dans une émission de télévision, par le colonel Vincent Arbaretier. Elles pourraient s'aligner le long du fleuve Dniepr, qui sépare l'est et l'ouest de l'Ukraine, préfigurant une éventuelle tentative de partition du pays.

La deuxième hypothèse avancée est celle d'un déploiement de troupes le long de la frontière avec la Biélorussie, essentiellement pour défendre Kiev d'une éventuelle attaque par le nord. Une troisième possibilité, non évoquée par le colonel, est qu'elles soient destinées à défendre Odessa (la France a déjà des troupes et des chars Leclerc déployés en Roumanie).

Enfin, dernière option, peut-être la plus réaliste, les Français seraient utilisés pour des tâches logistiques à l'arrière, libérant un nombre équivalent de soldats ukrainiens qui pourraient alors aller se battre au front.

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Dans tous ces scénarios, une intervention française (éventuellement même à la tête d'un contingent composé de soldats d'autres pays) semble loin d'être suffisante pour changer le cours du conflit, alors que le commandant de l'armée ukrainienne Valery Zaluzhny, récemment démis de ses fonctions, avait estimé à 500.000 hommes le besoin des forces armées de Kiev pour résister à la Russie.

Un tel déploiement promet également d'être extrêmement risqué. Les experts militaires français ont en effet prévenu qu'en raison de la pénurie d'équipements et de munitions, dans une éventuelle confrontation directe avec les Russes, ce contingent disposerait d'une autonomie de quelques mois au maximum, probablement moins.

Face à l'hypothèse avancée par Macron, un officier des forces armées françaises a commenté que "nous ne devons pas nous faire d'illusions, nous sommes une armée de majorettes face aux Russes".

Dissuasion nucléaire ?

Il est intéressant de noter qu'en évoquant l'hypothèse d'un déploiement de soldats en Ukraine, tant Macron que des commentateurs militaires comme Arbaretier ont insisté sur l'aspect "dissuasion", c'est-à-dire sur l'effet dissuasif qui serait substantiellement basé sur le fait que la France est une puissance nucléaire.

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Ce constat est lié au concept d'"ambiguïté stratégique", ou d'incertitude, sur lequel le président français a délibérément mis l'accent. L'idée d'incertitude est à la base de la réflexion stratégique française sur la dissuasion, dont l'un des architectes est le général André Beaufre, qui a beaucoup écrit à ce sujet dans les années 1960.

En gros, selon cette théorie, pour un pays comme la France, qui ne dispose pas d'un vaste arsenal comme les États-Unis, il n'y a qu'un seul élément valable pour dissuader un adversaire: l'incertitude. C'est "le facteur essentiel de la dissuasion".

Bien entendu, Beaufre faisait référence à la dissuasion nucléaire, et non à la possibilité d'envoyer un contingent militaire dans un conflit à la périphérie de l'Europe. Mais le fait que la France soit une puissance nucléaire implique que le déploiement des forces françaises n'est pas, en principe, déconnecté de la dimension nucléaire.

Cependant, l'observation faite par le chef d'état-major Schill dans l'éditorial du Monde précité, selon laquelle la dissuasion nucléaire "n'est pas une garantie universelle" parce qu'elle ne protège pas contre les conflits qui se situent "en dessous du seuil des intérêts vitaux", est tout à fait pertinente à cet égard.

Un conflit inexistant

Quoi qu'en dise Macron, le conflit ukrainien n'a pas de dimension existentielle pour la France, alors que Moscou a déjà amplement démontré qu'il en avait une pour la Russie.

Si le Kremlin est prêt à risquer un conflit nucléaire pour empêcher l'OTAN de s'implanter (officieusement pour être précis) en Ukraine, aucun pays occidental ne prendrait un tel risque pour obtenir un résultat similaire, qui n'est évidemment pas existentiel pour l'Occident.

C'est pourquoi Kiev aurait dû négocier un statut de neutralité dès le départ, et devrait maintenant négocier avec Moscou dès que possible, afin de sauvegarder autant que possible l'intégrité territoriale qui lui reste.

Et c'est pourquoi une coalition de pays "désireux" de déployer un contingent en Ukraine n'aurait pas de véritable couverture au-delà de ses propres (petites) capacités de défense. Ni une force française ni une force de coalition en Ukraine ne seraient couvertes par l'article 5 de l'OTAN.

Et, en cas d'escalade des tensions en Europe à la suite d'un affrontement entre ces forces et les troupes russes en Ukraine, les Etats-Unis n'auraient aucune obligation d'intervenir, ni même de garantir leur parapluie nucléaire, même si les tensions devaient atteindre le seuil nucléaire en Europe.

Le conflit ukrainien a également montré que ni la France ni l'Occident en général ne sont préparés à une guerre d'usure. La doctrine stratégique occidentale, qui s'est concentrée sur un conflit rapide et décisif, a conduit nos pays à ne pas être préparés à une telle guerre, note une étude du Royal United Services Institute (RUSI) du Royaume-Uni.

En conséquence, l'industrie de guerre européenne ne peut rivaliser avec celle de la Russie en termes de capacité de production et ne sera pas en mesure de le faire dans les années à venir.

Il s'ensuit qu'une intervention telle que celle proposée par le président français n'aurait qu'un faible pouvoir de dissuasion à l'égard de Moscou, compte tenu des risques graves encourus par ceux qui souhaiteraient la mettre en œuvre.

La proposition française n'est donc qu'un bluff dangereux ou, plus probablement, cache d'autres motivations.

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La transformation de Macron

Pour les comprendre, il sera utile de retracer rapidement les étapes de la "métamorphose" de Macron, qui est passé d'un dirigeant européen enclin au dialogue avec Moscou à un adversaire implacable du Kremlin, convaincu que la Russie représente une menace non seulement pour l'Ukraine, mais aussi pour la sécurité de l'Europe dans son ensemble.

Depuis son entrée à l'Élysée en 2017, le président français avait signalé son intention de forger un partenariat avec Moscou, invitant son homologue russe Vladimir Poutine au château de Versailles, l'ancienne résidence des rois de France.

Pour Macron, la Russie fait partie d'une Europe qui s'étend de Lisbonne à Vladivostok.

Même après le déclenchement du conflit ukrainien en février 2022, le dirigeant français avait soutenu la nécessité de maintenir ouvert un canal de dialogue avec Poutine, affirmant qu'il n'était pas nécessaire d'"humilier la Russie", et s'était entretenu à plusieurs reprises avec le chef du Kremlin.

La conversion de Macron a commencé le 1er juin 2023 lorsque, s'adressant au public du Forum GLOBSEC à Bratislava, en Slovaquie, il s'est prononcé en faveur de l'entrée rapide de l'Ukraine dans l'OTAN, un scénario auquel même Washington et Berlin étaient opposés.

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À la même occasion, il a déclaré qu'il souhaitait accélérer l'élargissement de l'UE afin d'envoyer "un signal fort à Poutine". À l'époque, l'Ukraine et ses alliés occidentaux espéraient que la contre-offensive de l'été permettrait d'arracher au moins une partie des territoires occupés aux Russes. Mais l'entreprise est un échec.

Dès lors, les autorités françaises envisagent, dans le plus grand secret, la possibilité d'envoyer des troupes à terre. L'idée est examinée pour la première fois par le Conseil de défense le 12 juin 2023.

Lors d'une conférence de presse en janvier de cette année, Macron a parlé pour la première fois de "réarmer le pays". Le 17 du même mois, Moscou a accusé la France d'avoir envoyé des mercenaires combattre aux côtés des Ukrainiens, affirmant qu'une soixantaine d'entre eux avaient été tués lors d'une attaque russe contre un hôtel de Kharkov.

Enfin, le 22 février, le ministre français de la Défense, Sébastien Lecornu, affirme que les Russes ont menacé d'abattre un avion espion français survolant la mer Noire.

Le déclin de l'influence française en Afrique de l'Ouest, qui, après plusieurs coups d'État (au Mali, au Burkina Faso et au Niger), a conduit à la défaite de la France, a sans doute contribué à la détérioration des relations entre les deux pays au cours des derniers mois.

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Crise entre Paris et Berlin

Mais l'activisme français sans précédent a aussi une dimension purement européenne, essentiellement liée à la crise de l'axe dit franco-allemand. Les incompréhensions se multiplient entre Paris et Berlin sur la gestion de la crise ukrainienne et, plus généralement, des actifs stratégiques européens.

L'Allemagne est le deuxième fournisseur d'armes de l'Ukraine après les Etats-Unis, tandis que la France se situe au 14ème rang, mais le gouvernement du chancelier Olaf Scholz a souvent été critiqué par Paris, qui l'accuse d'adopter une ligne "trop prudente".

Berlin, pour sa part, ne cache pas son irritation face à la volonté de Macron de se poser en leader de l'Europe et à sa tentative de créer un axe privilégié avec les pays de l'Est à partir de son discours de Bratislava en juin 2023, avec une action unilatérale qui contourne l'Allemagne.

Malgré la contribution plus importante de cette dernière en termes quantitatifs à l'effort de guerre ukrainien, Paris a souligné à plusieurs reprises la décision de la France de fournir à Kiev ses missiles de croisière à longue portée Scalp, exhortant l'Allemagne à faire de même en envoyant ses missiles Taurus.

Scholz craint cependant que le lancement de ces missiles, d'une portée de 500 kilomètres et potentiellement capables de frapper Moscou, ne conduise à une escalade du conflit qui pourrait impliquer directement l'Allemagne. Cette dernière, contrairement à la France, ne dispose même pas d'une force de dissuasion nucléaire propre et a un passé beaucoup plus houleux avec Moscou qui a laissé des blessures non cicatrisées.

Quelle structure pour l'Europe ?

Mais le désaccord entre Berlin et Paris va au-delà de la simple gestion du conflit ukrainien et touche à la question plus profonde des équilibres stratégiques européens. Scholz et Macron ont tous deux reconnu le déclenchement de ce conflit en février 2022 comme un changement d'époque.

Le premier a jugé nécessaire de rétablir une relation privilégiée avec Washington, aspirant à devenir le principal garant de la sécurité en Europe au nom de son allié américain, et en étroite coordination avec l'OTAN.

Le second, en revanche, a réaffirmé la nécessité d'une "autonomie stratégique" de l'Europe. Cependant, il l'a articulée de manière quelque peu contradictoire lorsque, tout en voulant apparemment renoncer à une coordination directe avec Washington, il a tenté d'établir un axe avec les pays de l'Est (notoirement alignés sur les positions américaines les plus intransigeantes), toujours dans une clé anti-russe.

Le conflit ukrainien a mis en crise l'accord tacite à la base de l'axe franco-allemand, selon lequel, si Berlin était reconnu comme le leader économique en Europe, le leadership stratégico-militaire revenait à Paris.

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En cherchant à réarmer son armée, le gouvernement allemand a jeté les bases d'une rupture de ce fragile équilibre. En lançant l'initiative "European Sky Shield", un bouclier anti-missiles impliquant 17 pays européens et basé sur des technologies américaines et israéliennes, Berlin a commis une nouvelle honte à l'égard de Paris.

En effet, l'Elysée aspire à créer une industrie européenne de la défense basée sur la technologie française (même l'Italie, qui partage avec la France le système de missiles SAMP-T, ne s'est pas jointe à l'initiative allemande).

Paris reproche donc à Berlin non seulement une "invasion de la campagne", mais aussi sa volonté de maintenir des liens étroits avec l'industrie de guerre américaine.

Après le Brexit, la France est restée le seul pays de l'UE à avoir un siège au Conseil de sécurité de l'ONU et le seul à posséder des armes nucléaires. Cependant, l'offre de Macron d'étendre la dissuasion nucléaire française au niveau européen s'est heurtée à la froideur de Scholz, qui semble vouloir rester lié au parapluie nucléaire américain.

Effets secondaires

D'où la tentative française d'assumer le leadership européen dans la gestion du conflit ukrainien, ce qui ressort également de la mise en exergue par Macron des différences entre la France et l'Allemagne.

De retour de Berlin, où s'est tenue la réunion du Triangle de Weimar, le président français a décrit M. Scholz comme étant encore attaché à la culture pacifiste de son parti, le SPD.

"L'Allemagne a une culture stratégique de grande prudence, de non-intervention, et reste à l'écart de l'énergie nucléaire", a déclaré M. Macron, soulignant qu'il s'agit d'un "modèle très différent de celui de la France, qui dispose d'armes nucléaires et qui a maintenu et renforcé une armée professionnelle".

Le dirigeant français a ajouté que "la Constitution de la Cinquième République fait du président le garant de la défense nationale". En Allemagne, en revanche, la chaîne de commandement doit tenir compte du système parlementaire".

Or, on le voit, la compétition franco-allemande a pour effet d'exacerber l'affrontement avec Moscou, aboutissant à l'appropriation totale par l'Europe du soutien militaire à Kiev, en l'absence de toute perspective de négociation.

Cela ne fait que répondre au plan stratégique américain de déléguer l'endiguement de la Russie aux Européens (avec toutes les responsabilités économiques et sécuritaires que cela implique) afin de déployer ses moyens militaires dans le Pacifique.

Réprimer les dissensions internes

Enfin, la "croisade" contre Moscou voulue par le président français a une dimension électorale évidente. Le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen disposerait de plus de 30% des voix et pourrait battre la coalition de Macron (Renaissance), qui disposerait d'environ 18% des voix, lors des prochaines élections européennes.

Une victoire aux élections européennes pourrait garantir à Mme Le Pen un tremplin pour sa prochaine ascension à l'Élysée, lorsque M. Macron aura atteint la limite qui est de deux mandats.

Gabriel Attal, premier ministre et successeur possible de Macron, a récemment accusé le RN d'être "l'infanterie" de Poutine en Europe. L'activisme de Macron sur le front ukrainien sert donc également à diaboliser l'opposition interne et à unir la nation contre la menace d'un "ennemi extérieur".

Jusqu'à présent, le succès n'est pas au rendez-vous, si l'on en juge par les sondages selon lesquels 68% des Français considèrent que la proposition du président de déployer des troupes en Ukraine est une "erreur".

Mais le cas français est emblématique d'un paradigme européen plus général, dans lequel une "menace extérieure" spécialement entretenue fournit un excellent prétexte pour étouffer la dissidence, imposer une logique d'urgence et empêcher tout débat sérieux sur la crise politique, économique, sociale et culturelle qui secoue l'Europe.

Cela conduit non seulement à une aggravation inévitable de cette crise, mais aussi - en raison du conflit avec la Russie - à une détérioration continue de la stabilité et de la sécurité du continent.

Cependant, l'alarmisme européen sur la "menace russe" masque à peine le mécontentement croissant qui se répand partout, y compris dans les pays de l'Est (de la Pologne à la Roumanie, en passant par la Bulgarie et la République tchèque), sur la façon dont la question ukrainienne a été gérée.

Dans sa folie, l'Europe se prépare à une mobilisation de grande ampleur.

Ces derniers jours, les dirigeants de l'UE et de l'OTAN parlent de plus en plus du retour de la conscription et de l'augmentation du financement de la défense. Le président letton Rinkēvičs a déclaré dans une interview au Financial Times qu'il était nécessaire de réintroduire la conscription en Europe en raison de la "menace" de la Russie. "Nous devrons revenir aux dépenses de la guerre froide", a-t-il ajouté. Le président estonien Karis a quant à lui évoqué la possibilité d'introduire une taxe spéciale pour financer les dépenses militaires croissantes des pays européens et les amener au niveau de celles des États-Unis. L'ancien commandant en chef de l'OTAN en Grande-Bretagne, le général Richard Sherriff, a suggéré dans une interview accordée à Sky News que "nous devrions penser à l'impensable". Aujourd'hui, cette question est également débattue en Pologne: la possibilité de réintroduire la conscription a été évoquée par le chef de l'Office national de sécurité polonais, Jacek Severa.

Les dirigeants de l'UE ne cachent plus leur intention de lutter contre la Russie. Dans ce contexte, les pays les plus proches géographiquement - la Pologne, la Moldavie et les trois pays baltes - se distinguent tout particulièrement. Le président de la Lettonie estime qu'il est nécessaire de ramener les dépenses militaires au niveau de la guerre froide (les États baltes faisaient partie de l'URSS pendant la guerre froide), le dirigeant de l'Estonie a proposé d'augmenter les dépenses à 3 % du PIB à l'avenir, tandis que Tallinn a donné 1% à l'Ukraine l'année dernière.

La machine de propagande en Europe est active: la Russie est toujours présentée sous un jour défavorable, on a même réussi à utiliser la tragédie du Crocus pour accuser le "régime de Poutine". Toute opinion alternative est immédiatement supprimée et ne peut être diffusée dans les médias. L'implication de l'Europe dans la guerre augmente déjà avec chaque nouvelle aide financière et matérielle à l'Ukraine, et il pourrait bientôt s'avérer que sur les fronts russes, ce ne sont pas les forces armées ukrainiennes qui affronteront la Russie, mais le personnel de l'OTAN.

La Pologne a suspendu le traité sur les forces armées conventionnelles en Europe.

L'objectif de ce traité était de réduire les armements conventionnels offensifs existants détenus par les États membres de l'OTAN et les anciens pays du Pacte de Varsovie, puis de les maintenir à un certain niveau. Les engagements concernent les chars, les blindés, l'artillerie, les avions de combat et les hélicoptères d'attaque.

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Le gouvernement espagnol cède le port de Mahón à l'OTAN pour qu'il serve de base.

La station navale de Mahón (photo) est l'une des bases espagnoles participant à l'opération Sea Guardian de l'Alliance atlantique (OTAN), qui met l'accent sur la connaissance de l'environnement maritime pour dissuader et combattre le terrorisme, ainsi que pour atténuer d'autres menaces.

Des sources du ministère de la défense ont confirmé à Europa Press que Minorque est l'une des multiples capacités que l'Espagne offre à l'OTAN. Il est donc courant que des navires de l'OTAN fassent escale dans ce port.

Selon la Défense, l'opération, active depuis 2016, "vise à développer une connaissance robuste de l'environnement maritime, en combinant des réseaux, basés sur des capteurs et des non-senseurs, avec un échange fiable d'informations et une connectivité entre les alliés et toutes les organisations liées à l'environnement maritime".

L'état-major de la défense indique que la mission de l'Espagne dans le cadre de l'opération comprend jusqu'à quatre sorties par mois d'un avion de patrouille maritime, un sous-marin sur une période de 35 jours, un navire de patrouille en mer prêt à prendre la mer dans les 48 heures sur demande et un navire de commandement avec un état-major embarqué disponible pour diriger en temps voulu.

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L'opération est placée sous le commandement opérationnel du Commandement maritime allié (MARCOM), à Northwood (Royaume-Uni). Le MARCOM sert de centre d'échange d'informations sur la sécurité maritime pour l'Alliance. Dans des déclarations à IB3 Ràdio, reprises par Europa Press, le maire de Mahón, Héctor Pons, a indiqué que les visites de navires dans le cadre des manœuvres de l'OTAN sont "récurrentes" et qu'il s'agit d'un "emplacement stratégique".

La station navale de Mahón, sur l'île de Minorque (Espagne), est devenue l'une des trois bases espagnoles de soutien logistique pour les navires de l'OTAN opérant en Méditerranée, ont indiqué des sources gouvernementales au journal El País.

Le journal précise qu'en avril 2023, les autorités espagnoles ont proposé Mahón à l'alliance en tant que "port avec autorisation diplomatique permanente" afin que les navires du bloc militaire participant à l'opération Sea Guardian puissent y accoster et y jeter l'ancre. Le journal souligne que le port de Mahón réunit les conditions nécessaires pour servir de point d'appui logistique à l'OTAN. 

L'éternel retour d'Evola 50 ans après sa mort

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L'éternel retour d'Evola 50 ans après sa mort

Gennaro Malgieri

Source: https://electomagazine.it/leterno-ritorno-di-evola-a-50-anni-dalla-morte/

L'oeuvre de Julius Evola se confirme, avec le temps, un demi-siècle après sa mort (en date du 11 juin 1974), comme une aire incontournable au cœur de la modernité. Andrea Scarabelli lui a consacré un livre magnifique et volumineux, Vita avventurosa di Julius Evola, publié chez Bietti (pp.737,39,00 €), dont nous parlerons dans les prochaines semaines, un livre indispensable qui, par sa complexité et son exhaustivité, nous fait découvrir l'un des plus grands penseurs du vingtième siècle.

81mIbi4H1lL._AC_UF1000,1000_QL80_.jpgPour avoir lu et apprécié Evola, bien que sur plus d'un point avec des réserves compréhensibles, il y a cinquante ans, ou même plus tôt quand le débat autour de ses idées faisait rage, en essayant de le sauver d'une diabolisation préventive, c'est comme si on ne l'avait pas connu du tout quand on le relit aujourd'hui, surtout après la publication du livre de Scarabelli, dans le contexte de la révolution la plus subtile et la plus radicale qui ait eu lieu: l'affirmation d'une pensée unidimensionnelle et homologatrice, totalitaire dans son essence et libertaire dans sa forme, qui est à la fois fiction et enveloppe du déracinement des valeurs auquel nous participons, consciemment ou inconsciemment. Evola, paradoxalement, est beaucoup plus notre contemporain qu'il ne l'était à l'époque où son observation minutieuse et son diagnostic précis de la décadence se sont déployés, se projetant dans une dimension qui, seulement des décennies plus tard, comme il l'imaginait lui-même, s'ouvrirait même dans les sphères culturelles qui, de son vivant, tendaient à le marginaliser, voire à le "réduire au silence".

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L'œuvre d'Evola, loin d'être embaumée et conservée dans les recoins d'une aire intellectuelle minoritaire, fréquentée uniquement par des "dévots" sans esprit critique, est surtout aujourd'hui, dans sa complexité, non seulement un formidable réquisitoire, extraordinairement efficace et approprié, contre l'idéologie du déclin sous les différentes formes qu'elle a prises, mais se révèle pour ce que tant de gens ont pu y voir en s'y plongeant au point d'en sortir transformés, comme ce fut le cas par exemple pour le grand poète allemand Gottfried Benn après la lecture de Révolte contre le monde moderne. Et si ce sont les traits stylistiques d'une certaine "révolution conservatrice" que Benn a reconnus dans le livre du penseur italien, qui devait conquérir avec lui une notoriété non éphémère dans les milieux culturels européens, il faut dire aussi que l'analyse profonde et complète de la Tradition par Evola laissait entrevoir un horizon culturel qui, au tournant de la crise continentale, pas encore libéré des affres de la première grande guerre civile européenne, s'apprêtait à se dissoudre dans la crise de l'Europe, se préparait à se dissoudre dans la seconde, comme le prédisait "prophétiquement" un fascinant diagnosticien représentant le "déclin de l'Occident", un peu comme Evola lui-même le fera des années plus tard en entraînant la "prophétie" spenglérienne au-delà des contingences qui l'avaient inspirée pour la fonder dans l'éclipse d'une religiosité, même non fidéiste; la "crise du monde moderne" dont René Guènon avait déjà donné une représentation convaincante au point qu'elle tient encore face aux convulsions qui nous habitent et auxquelles nous avons l'impression de ne pas pouvoir échapper.

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C'est à ce sentiment d'impuissance qu'Evola s'est souvent intéressé, nous invitant à une sorte de révolution spirituelle qui, en ce début du 21ème siècle, nous apparaît comme la seule carte à jouer face aux contradictions de l'égarement intellectuel. Les conséquences politiques sont connues et la crise substantielle de la démocratie, démembrée par les pouvoirs oligarchiques, maîtres absolus du marché, n'est que la dernière étape de la dissolution sociale qui a commencé avec les crimes commis par la Grande Révolution.

Le "totalitarisme mou", auquel Evola s'est implicitement référé tant de fois, ne s'arrête pas à la prétention d'uniformiser la vie selon l'uniformisation imposée par les potentats transpolitiques et la finance prédatrice à travers les médias, la publicité, l'allégorie fantasmagorique de la liberté exaltée - pour la nier - par les réseaux sociaux, l'apologie de l'homo consumans comme seul être réputé pertinent, la suppression de la souveraineté des peuples, des nations et des Etats en vue de la création d'un Marché Universel dont l'égalitarisme formel devrait être la ligne directrice. Avec pour objectif, de la part des oligarques intellectuels et politiques qui tiennent les ficelles, de transformer, jusqu'à les réduire à néant, les faits et phénomènes de diversité et de catapulter finalement la "théorie du genre" dans l'assimilation pratique de l'unisexe dans une société réduite à un désert de formes et privée de forces vives: bref, la révolution la plus bouleversante qui ait traversé l'humanité.

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La "pensée unique" a hâtivement consumé, dans l'horrible lande des idéologies mortes, ses gloires, renversant le principe d'"universalité" (qui n'est pas l'uniformité) propre aux soi-disant "civilisations traditionnelles" en celui de "collectif" propre à la soi-disant "civilisation moderne". Celle-ci s'oppose à l'"universel" comme la "matière" s'oppose à la "forme", affirme Evola. Et il explique, dans les dernières pages de Révolte contre le monde moderne, que "la différentiation de la substance dans la promiscuité de la collectivité et la constitution d'êtres personnels par l'adhésion à des principes et à des intérêts supérieurs constituent la première étape de ce qui, dans un sens éminent et traditionnel, a toujours été compris comme la "culture". Lorsque l'individu est parvenu à donner une loi et une forme à sa propre nature, de sorte qu'il s'appartienne à lui-même au lieu de dépendre de la partie purement physique de son être, la condition préalable à un ordre supérieur est déjà présente, dans lequel la personnalité n'est pas abolie, mais intégrée: tel est l'ordre même des "participations" traditionnelles, dans lesquelles chaque individu, chaque fonction et chaque caste acquièrent leur signification propre par la reconnaissance de ce qui leur est supérieur et de leur lien organique avec lui. Et, à la limite, l'universel est atteint dans le sens du couronnement d'un édifice dont les solides fondations sont précisément constituées à la fois par les diverses personnalités différenciées et formées, chacune fidèle à sa propre fonction, et par des organismes ou des unités partielles avec des droits et des lois correspondants, qui ne se contredisent pas mais se coordonnent solidement grâce à un élément commun de spiritualité et à une disposition active commune à un dévouement supra-individuel".

Il en va tout autrement dans la modernité, où s'impose une conception opposée, de type mécaniste pourrait-on dire, visant au collectivisme. Ainsi, comme l'explique si bien Evola, l'individu apparaît de plus en plus incapable de valoir autrement qu'en fonction de quelque chose: dans ce "quelque chose", indéfini, il cesse d'avoir un visage propre; son visage est celui que les autres lui donnent, fruit de l'homologation, du renoncement à être lui-même du moins formellement. Aujourd'hui, on range tout cela sous le titre de "pensée unique", dont le déploiement est une praxis existentielle visant à la construction d'un indifférentisme accepté, presque toujours inconsciemment, comme une valeur apportée par le déploiement de la démocratie la plus accomplie, alors que c'est exactement l'inverse qui est vrai. C'est-à-dire que la régression dans l'indistinct constitue la dissolution non seulement des différences ordinaires et donc des hiérarchies morales, culturelles et civiles, mais aussi d'une démocratie populaire dont l'essence devrait être l'exaltation des pièces individuelles d'une mosaïque communautaire cimentée par la reconnaissance de la dignité.

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À l'époque de la quantification et de l'absolutisme mercantile, il est inévitable que la force du nihilisme devienne un puissant facteur de stabilisation de l'instabilité, avec des conséquences facilement imaginables que nous pouvons déjà voir à l'œuvre autour de nous, massivement présentes dans notre imaginaire culturel et destinées à submerger même les îles isolées que l'on croyait jusqu'à récemment à l'abri des flots de la vulgarité massifiante qui véhicule les modes et les coutumes qui remontent à l'univers de l'unicité de la pensée et donc au triomphe de la modernité. Âge sombre" ou "âge de fer", reprenant l'antique image d'Hésiode: c'est ainsi qu'Evola a défini notre époque. Et lorsque les formulations ont pris des allures de polémiques politiques, il ne s'est pas trouvé un seul homme pour ne pas stigmatiser le "baron noir" par des épithètes irrévérencieuses et pour ne pas considérer ses disciples comme pathétiques. Le temps s'est fait gentilhomme et le néo-totalitarisme, préfiguré et analysé par Evola en des termes on ne peut plus alarmants, bien avant que ses miasmes n'envahissent nos existences, progresse dans l'indifférence de ceux qui ne perçoivent pas les restrictions des espaces de liberté désormais occupés par les cris des multitudes qui réclament l'attention d'on ne sait qui, étant donné que ceux qui tissent les fils de la modernité ont intérêt à faire semblant de donner l'apparence de l'autonomie et de la critique à ceux qui la réclament, à condition, bien entendu, de disposer d'un cadre et d'une structure impénétrables et blindés pour protéger la citadelle du pouvoir qui n'admet aucune contestation, celui de l'argent qui domine les consciences en les achetant avec des gadgets culturels et des croyances nouvellement créées.

Le spenglérien Evola écrit, toujours dans Révolte contre le monde moderne De même que les hommes, les civilisations ont leur cycle, un début, un développement, une fin, et plus elles sont immergées dans le contingent, plus cette loi est fatale. Cela, bien sûr, ne peut impressionner ceux qui sont enracinés dans ce qui, étant au-dessus du temps, ne serait altéré par rien et qui demeure comme une présence éternelle. Même si elle disparaissait définitivement, la civilisation moderne n'est certainement pas la première des civilisations à s'éteindre, ni celle au-delà de laquelle il n'y en aura pas d'autre. Les lumières s'éteignent ici et se rallument ailleurs dans les vicissitudes de ce qui est conditionné par le temps et l'espace. Les cycles se ferment et les cycles se rouvrent. Comme on l'a dit, la doctrine des cycles était familière à l'homme traditionnel, et seule l'insipidité des modernes leur a fait croire un instant que leur civilisation, plongée, plus qu'aucune autre ne le fut jamais, dans l'élément temporel et contingent, pouvait avoir un destin différent et privilégié.

Mais est-il possible que la fin d'un cycle puisse préluder à l'ouverture d'un autre dans une continuité, certes essentielle et marginale ? C'est un grand thème qui, projeté sur l'immense marécage contemporain, sollicite des considérations anthropologiques par rapport auxquelles tous les domaines de la pensée sont remis en question, à commencer par le religieux (même s'il n'est pas ancré dans une foi donnée) jusqu'à l'économico-social. C'est dans ce contexte que celui que l'on a appelé la "lux évolienne" s'est imposé de manière décisive, surpassant même des théoriciens de la crise et du déclin beaucoup plus acclamés. Evola, contrairement à ce que l'on pourrait penser - et surtout dans les dernières années, bien qu'il n'ait pas cultivé les illusions à court terme d'une possible renaissance (les nombreux articles qu'il a écrits pour Il Conciliatore, L'Italiano et Roma en sont la preuve) - a imaginé la possibilité d'inverser le cours des choses, sans s'attarder à les chercher dans certains renouveaux plus folkloriques qu'autre chose des "traditionalistes" autoproclamés de la dernière heure ou dans une religiosité de seconde main, telle qu'on l'observe dans Masques et visages du spiritualisme contemporain.

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Il a imaginé qu'une minorité active et culturellement consciente de la tâche à laquelle elle doit se consacrer après avoir mesuré les étapes de la décadence et tiré les conséquences de la dissolution des formes même élémentaires inhérentes à une existence à peine ordonnée, pourrait émerger. Il définit les personnalités qui composent ce noyau comme des egregoroi, c'est-à-dire ceux qui regardent. Mais en plus grand nombre, dit-il, "il y a des individualités qui, sans savoir au nom de quoi, ressentent un besoin confus mais réel de libération. Orienter ces personnes, les mettre à l'abri des dangers spirituels du monde présent, les amener à reconnaître la vérité, et rendre absolue leur volonté que certains d'entre eux puissent atteindre la phalange des premiers, c'est encore ce que l'on peut faire de mieux". Et, toujours dans un rigoureux réalisme, il ajoutait: "Mais là encore il s'agit d'une minorité et il ne faut pas s'imaginer qu'il puisse en résulter une variation appréciable dans l'ensemble des destinées. Telle est donc la seule justification de l'action tangible que certains hommes de la Tradition peuvent encore exercer dans le monde moderne, dans un milieu avec lequel ils n'ont aucun lien. Pour l'action directrice précitée, il est bon que de tels "témoins" soient là, que les valeurs de la Tradition soient toujours indiquées, sous une forme d'ailleurs d'autant plus atténuée et dure que le courant adverse est plus fort. Même si ces valeurs ne peuvent pas être réalisées aujourd'hui, elles ne sont pas réduites à de simples "idées"". Et encore: "Rendre clairement visibles les valeurs de vérité, de réalité et de Tradition à ceux qui, aujourd'hui, ne veulent pas de "ceci" et cherchent confusément "autre chose", c'est apporter un soutien pour que la grande tentation ne l'emporte pas chez tous, où la matière semble désormais plus forte que l'esprit".

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La Tradition, prise non pas comme conatus réactif à la "pensée unique", mais comme véhicule d'affirmation d'une "pensée autre", est donc l'héritage d'Evola pour les "derniers temps". Une Tradition, bien sûr, vécue dans ses valeurs constitutives et non dans les déchets rhétoriques qui lui sont associés, auxquels les attitudes culturelles ont offert un espace pour le moins irrespectueux à l'égard de l'univers traditionnel lui-même. Et qui ne peut devenir "active" qu'en prenant les traits d'une "révolution conservatrice", comme le suggère Evola lui-même dans Gli uomini e le rovine (Les hommes au milieu des ruines), dans Cavalcare la tigre (Chevaucher le tigre) et dans de nombreux autres écrits organiques et occasionnels. La formule met en évidence l'élément dynamique représenté par la "révolution", qui n'a donc pas de valeur subversive ou violente d'un ordre légitime, et l'élément constitutif qui l'étaye, lequel est "conservateur". Mais conserver quoi? La tradition et ce qui en découle, en la faisant vivre - et c'est là la tentative la plus ardue - à travers les instruments de la modernité sans être conditionnée ou même subjuguée par eux. Préserver la Tradition et ce qu'elle signifie est le seul véritable acte révolutionnaire imaginable. Et il est loin d'être irréaliste de croire qu'une réaction loin d'être stérile au totalitarisme de la "pensée unique" puisse en découler.

Loin de cristalliser l'idée de Tradition, Evola la relance comme proposition culturelle à l'heure de la crise de toutes les croyances et à la veille de l'effondrement d'idéologies élevées au rang de pratiques quasi mystiques. Dans un article paru dans Il Conciliatore en juin 1971, Evola écrit: "L'introduction de l'idée de Tradition vaut pour libérer chaque tradition particulière de son isolement, précisément en ramenant son principe générateur et ses contenus essentiels dans un contexte plus large, en des termes qui soient d'une intégration effective. Seules les éventuelles revendications d'exclusivisme et de privilèges sectaires en pâtissent. Nous reconnaissons que cela peut être dérangeant et créer une certaine désorientation chez ceux qui se sentaient en sécurité dans une zone donnée et clôturée. Mais pour d'autres, la vision traditionnelle ouvrira des horizons plus larges et plus libres, elle ne fera qu'instiller une sécurité supérieure, à condition qu'ils ne trichent pas au jeu: comme dans le cas de ces "traditionalistes" qui n'ont mis la main sur la Tradition que comme une sorte de condiment à leur propre tradition particulière réaffirmée dans toutes ses limites et dans tout son exclusivisme".

La personnalité multiforme d'Evola se prête, on le sait, à des interprétations diverses, variées, voire contradictoires. Mais sur un aspect de sa pensée, il n'y a probablement pas de différence de jugement. Evola - au-delà de ses propres intentions - est le protagoniste incontesté d'une révolte culturelle contre le conformisme dont la dictature de la "pensée unique" est l'expression la plus macroscopique et la plus meurtrière.

Evola est en bonne compagnie, bien sûr. Mais la pertinence contemporaine de ses idées est telle qu'il est considéré comme la référence d'une vision du monde qui embrasse, contrairement à d'autres, bien que contigus, les domaines les plus importants de l'esprit et de l'action, du sexe (à la "Métaphysique" duquel, anticipant prodigieusement les résultats de la soi-disant "libération sexuelle", il a consacré des pages qui déboulonnent la théorie du genre et l'unisexisme dominant) à la religiosité dans ses multiples déclinaisons, en passant par la science, la démographie, la contestation de la jeunesse et ses mythes, et les formes de décadence.

Quelle est sa pertinence aujourd'hui ? Question inutile. La réponse se trouve dans ses livres.

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La destruction de la France au cinéma

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La destruction de la France au cinéma

par Nicolas Bonnal

Mon livre commente la destruction – ou la disparition de la France – de 1945 aux années 70. Je considère que si la France est devenue ce que l’on sait depuis, elle était déjà foutue alors – dans les années 70. Je l’ai perçue ainsi enfant déjà quand j’y venais, sorti de ma tranquille Tunisie. Je suis arrivé à Brest en famille en 1972, ville entièrement détruite et reconstruite, artificielle au possible. Cela ne parlait que football et télé à l’école et j’avais déjà le caractère des trois vieux emmerdeurs des Vieux de la Vieille. Mon seul réconfort visuel : les classiques US à la télé encore bien doublés et Chapeau melon et bottes de cuir – Emma Peel et Tara King. Le reste c’était les ZUP et les supermarchés. Et la foule « non encore remplacée » s’y engouffrait gaiment, comme si elle n’avait jamais connu – et aimé – que cela. Le litre d’essence à un franc dix-sept…

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Ce qui restait de la France c’était des bribes: le petit village, la petite campagne vite captée le tourisme industriel avant de servir d’investissement immobilier au bourgeois enraciné. Le reste était promis à plus d’industrialisation, plus de destruction, plus de remplacement. On avait une émission affolante qui s’appelait : La France défigurée (Péricard et Bériot) le samedi je crois, après manger (IE vite triturer ce qu’il y a dans le frigo).

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Le remplacement aussi m’est apparu dès cette époque: on se foutait de l’histoire, de la littérature; on aimait la baise, le tourisme, la gesticulation motorisée; on aimait la destination exotique, la bouffe nouvelle, et la spéculation. Et on est passé de mille balles du mètre à dix mille euros en cinquante ans, et à peu près partout. On s’adapte, comme dit Céline.

Le cinéma a bien filmé tout cela: il est la vérité vingt-quatre fois par seconde quand la télé est le mensonge vingt-quatre fois par seconde – conditionnement pour accepter tout ça et pour la fermer. J’ai vu par le cinéma la France remplacée dans Play Time de Tati, j’ai vu la France cybernétique et totalitaire dans Alphaville, et j’ai vu les Valseuses. J’ai vu la fin des ânes dans le Balthazar de Bresson (tué par le trafic et le vélomoteur).

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J’ai vu disparaitre ce qui restait d’Ancien Régime: le marquis libertin de la Femme du boulanger, les paysans traditionnels de Farrebique, les chevaliers servants de l’Empire dans Alerte au Sud (l’admirable film de Devaivre). J’ai vu disparaitre les curés aussi : c’est l’athée Jean Renoir qui filme un chant du cygne antimoderne dans le Déjeuner sur l’herbe. Son curé y est prodigieux et y annonce comme ceux de Pagnol la grande catastrophe. Mais les idiots avancent toujours, les somnambules, dit Hermann Broch.

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A la place est apparue une société froide et structurée autour de nouveaux axiomes : le capitalisme, l’Etat-providence, le court terme, le sexe, la violence fantasmée, la sottise télé. Tout cela a suscité au début des résistances (merci à Guy Debord qui m’aura éclairé pour tout) et puis on s’est habitué. Va critiquer la télé maintenant, va… Va remettre en cause l’usage hypnotique de la technologie, va… C’est Fahrenheit 451 partout (marrant tout de même ce film de Truffaut tourné en anglais et pas en français).

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Un écrivain américain (Thomas Frank) a parlé de conquête du cool et il dit qu’une cinq ans on change un peuple. Patrick McGoohan (le Prisonnier, seule série à connaître) dit qu’on ne peut échapper ni au Pentagone ni à Madison ni à la télé. Le peuple ‘froncé’ fut créé sous le gaullisme en quelques années. On peut dire que le phénomène était partout le même, mais je tape quand même sur le gaullisme, sur son culte indécent, sur sa constitution, sur ses trente glorieuses, sur ses grandes transformations, sur sa société de consommation. Comme disait André Bercoff dans sa Reconquête ces technocrates gaullistes et arrogants auraient dû lire les situationnistes pour voir dans quel hexagone ils nous mettaient.

Certes la France est coutumière du fait: c’est un pays implacable quand il s’agit d’idées neuves, a dit le professeur Paul Hazard. On aime s’y refaire à neuf. Le bonheur est une idée neuve, etc. On aime les nouvelles vagues, etc. On aime se moderniser, se créoliser, se remplacer, se renouveler, etc. C’est la Lumière du monde (dixit de Gaulle) donc on peut tout se permettre. Mais franchement c’est ici que la technocratie aura fait le plus de dégâts; ensuite les écologistes ont pris le relais et ont couvert leur hexagone d’éoliennes.

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J’en suis resté à Nerval et à Adrienne moi, et à la danse de la Chapelle dans Drôle de frimousse, filmé par un petit juif nommé Stanley Donen, qui avait déjà réalisé dix chefs-d’œuvre et qui lui aussi allait affronter l’ère du cool américaine et ne plus s’en remettre – voyez mon livre sur la comédie musicale américaine. Stanley bis (l’autre génie juif c’est Kubrick) a filmé la chute de Paris dans Charade : on est en 1963 seulement.  Chute brutale : la ville perd son charisme ; c’est une « commodité ».

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Après c’est Open bar, après c’est les drugstores, les aéroports, les autorités, les banlieues dégueulasses pour parler comme Belmondo (Nanterre forever) les bagnoles moches, les camps de vacances (vive les bronzés !), après c’est aussi une bonne inconscience de plus abruti par la consommation et par la télé, abrutissement que filment Godard ou Pierre Etaix au début des années soixante. Etaix aussi ne s’en remettra pas et Godard disparaît pour une décennie et sans doute pour toujours – un peu comme Rimbaud parti pour l’Abyssinie et revenu pour se faire amputer – ici par la commission d’avances sur recettes. C’est Nina Simone qui déclare à un Ardisson interloqué qu’elle n’aime plus venir à Paris, ville dénaturée explique-t-elle. 

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Dans les années cinquante quand Tati filme Mon Oncle, le public français réagit encore (peut encore réagir) et le monde entier aime son film ; et en URSS explique le grand et génial Jacques, le film rencontre un immense succès car la bourgeoisie en prend plein la gueule. Dix ans plus tard le modèle américain a gagné, la bourgeoisie américanisée et motorisée a gagné et elle a imposé son modèle. Play Time est un film aussitôt oublié et nié: on a mieux à faire dans les journaux bourgeois, on adore le gauchisme, le cul, la violence, la rébellion, notions toutes recyclées par nos bourgeois. La société postmoderne vit de la haine qu’elle s’inspire comme tel champ vit de la merde de ses paysans.

Mais comme c’est au sens figuré c’est plus grave.

Le système crée alors d’autres modèles : ses vieux râleurs (Gabin…), ses nostalgiques (Audiard…) qu’on aime bien et qu’on évoquera ici. Il crée des loubards, des queutards, des râleuses, des bobos, des renégats, des richards, des paumés, des consommateurs. On est dans la société de services, les sévices se multiplient.

Trois citations pour terminer. On espère qu’elles exaspèreront les imbéciles et rafraichiront l’imagination des bons chrétiens comme dit Léon Bloy. Mes fidèles lecteurs les connaissant déjà :

bd16859e0b2d598bc05770be8bc14d7c.jpgDebord sur la mafia et l’avilissement universel:

« C’était une forme de crime organisé qui ne pouvait prospérer que sur la « protection » de minorités attardées, en dehors du monde des villes, là où ne pouvait pas pénétrer le contrôle d’une police rationnelle et des lois de la bourgeoisie. La tactique défensive de la Mafia ne pouvait jamais être que la suppression des témoignages, pour neutraliser la police et la justice, et faire régner dans sa sphère d’activité le secret qui lui est nécessaire. Elle a par la suite trouvé un champ nouveau dans le nouvel obscurantisme de la société du spectaculaire diffus, puis intégré : avec la victoire totale du secret, la démission générale des citoyens, la perte complète de la logique, et les progrès de la vénalité et de la lâcheté universelles, toutes les conditions favorables furent réunies pour qu’elle devînt une puissance moderne, et offensive. »

Louis_de_Bonald_by_Julien_Léopold_Boilly.jpgBonald sur la disparition du sol et du peuple :

« Le sol n’est pas la patrie de l’homme civilisé ; il n’est pas même celle du sauvage, qui se croit toujours dans sa patrie lorsqu’il emporte avec lui les ossements de ses pères. Le sol n’est la patrie que de l’animal; et, pour les renards et les ours, la patrie est leur tanière. Pour l’homme en société publique, le sol qu’il cultive n’est pas plus la patrie, que pour l’homme domestique la maison qu’il habite n’est la famille. L’homme civilisé ne voit la patrie que dans les lois qui régissent la société, dans l’ordre qui y règne, dans les pouvoirs qui la gouvernent, dans la religion qu’on y professe, et pour lui son pays peut n’être pas toujours sa patrie… Dès lors, l’émigration fut une nécessité pour les uns, un devoir pour les autres, un droit pour tous. »

300px-Édouard_Drumont.jpgDrumont enfin sur le Français et Paris remplacés :

« L’être qui est là est un moderne, un nihiliste, il ne tient à rien. Il n’est guère plus patriote que les trois cent mille étrangers, que l’aveuglement de nos gouvernants a laissé s’entasser dans ce Paris dont ils seront les maîtres quand ils voudront ; il ne se révoltera pas comme les aïeux sous l’empire de quelque excitation passagère, sous une influence atmosphérique en quelque sorte qui échauffe les têtes et fait surgir des barricades instantanément. » 

Cela me parait important pour dire que l’immigration et le racisme qui va avec n’ont rien à faire ici et que le Grand Remplacement était joué dans les seventies sous Pompidou-Giscard. Après on a créé un être festif et nul (le bobo) nourri au bio et au cinoche de festival – et aussi et surtout comme partout ailleurs un maniaque du cinéma américain – non pas de Walsh, Hawks et Wilder, mais des blockbusters et des films-culte. C’est un autre sujet.

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J’ai choisi une centaines de films ici et comme dit notre correcteur Franz cela fait notice. C’est l’effet recherché. On a oublié de parler de Melville qui dans plusieurs films a fait mouche : dans Le Cercle rouge, il montre la société froide et glacée et technocratique qui sort du gaullisme (une société structuraliste) ; dans l’Armée des ombres il montre le martyrologue de la Résistance (la France antichrétienne et assez peu résistante adore se créer des religions de substitution) ; et dans Deux hommes dans Manhattan il dévoile les dessous sexuels des élites françaises à New York, la laideur de New York by night sans technicolor et la pourriture de cette ONU qui n’a pas fini de nous en faire baver. Le tout sans prétentions, sans y toucher, presque techniquement. Pas étonnant qu’on l’ait oublié : de toute manière il n’y a plus de nostalgie. Tout est mort et très enterré – y compris les nostalgiques.

Je peux en parler moi qui ai pleuré à la mort de Tati (un russe), de Buñuel (un aragonais) ou de Simone Signoret (autre immigrée) qui l’a bien dit: la nostalgie n’est plus et ne sera plus ce qu’elle était. Le Grand Reset a déjà eu lieu dans tous les cerveaux et le froncé pouvait se faire remplacer physiquement. Il ne sait plus s’il est vivant le froncé entre sa télé et sa pharmacopée. Ce n’est même pas vrai d’ailleurs: il est plus vieux, engraissé par la dette, et servi par le tiers-monde après avoir bien vécu après mai 68 ; mais de quoi se plaint-il ?

Un grand regret, que les films français de cette époque damnée ne soient pas meilleurs – mais c’est que la France est depuis longtemps un pays surfait et brillant qui vit de sa légende et de sa propagande ; Paris aussi est surestimé un peu comme Washington, car c’est une ville qui a été conçue par les bonapartistes et les républicains pour impressionner, et épater le touriste bourgeois. Le Grand Meaulnes est un film d’italien tourné avec un acteur… ukrainien ; on n’a rien fait sur Nerval et son Adrienne essence de la France druidique et médiévale enfouie ; du coup on a rajouté quelques comédies musicales à notre convenance qui toutes tournées dans les années cinquante ont montré au béotien hexagonal ce que c’était Paris avant son impeccable destruction moderniste et industrielle des années soixante.

9782251390062.jpgComme dit mon ami Paucard dans ses Criminels du béton on n’a plus écrit de chanson à la gloire de Paris depuis cette époque, alors…

J’ai donc cité peu de films des années 80 et d’après. Je considère en effet que le mal était fait. On n’avait plus que du crétinisme subventionné à pourfendre et notre religion était faite avec J. J. Annaud: il valait mieux s’exporter que s’abonner aux Nuits fauves des huns et des autres. Notre film préféré, à Tetyana et moi, ce sont les Visiteurs parce que le serf s’adapte tout de suite (normal on est dans une société de services) à l’affreux monde (banquiers, bowlings et château recyclé sans oublier la rocade qui traumatise notre génial dentiste surexcité) et parce que le noble Hubert qui trouve que tout pue décide de retourner dans son moyen âge, laissant nos contemporains à leur kolkhoze fleuri, comme dit Audiard (on a fait pire que le kolkhoze ici comme à l’ouest du Pecos, Michel, allez…).

Notre plan préféré ? Gabin, de retour à Sarcelles ne reconnaît pas sa ville.

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Sources

https://www.amazon.fr/DESTRUCTION-FRANCE-AU-CINEMA/dp/B0C9S8NWXX/ref=sr_1_7?dib=eyJ2IjoiMSJ9.VyJG2u84Y0plh3EzUCAOn3ehipeT0N8WH3rOBZoJPys_Ovmn2U2JPKXHeacTehu2_3qF1P49v9QIPJjw2PF4stPkB9Kg4jYXG1m6r7b1n2xM3a2cvXeCqL5tEpJF8_1r-4sNIbezL-C26FxRO-Mjgn75hiXqc6twA5YgyyIpX5MzhfXTJdwJED7jfvNGtjMNZO3A8SfVqtTdDqvOZWOHtYKhxwlaJqUWvuYPkwycTu0.3y9vfG-SWiOB9WjHTmKblikcqsV1l5LfsntBCbJ8M_4&dib_tag=se&qid=1712396731&refinements=p_27%3ANicolas+Bonnal&s=books&sr=1-7

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mercredi, 10 avril 2024

Surveiller et punir au 21ème siècle

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Surveiller et punir au 21ème siècle

Alberto Giovanni Biuso

Source: https://www.aldousblog.it/single.php?id=191  

"Indépendamment de la volonté des hommes et des autorités qui les dirigent", écrit Fernand Braudel, "les phénomènes collectifs s'engendrent, se produisent, se transforment" (Civilisation matérielle, économie et capitalisme (XVe-XVIIIe siècles), vol. III, I tempi del mondo, traduit par C. Vivanti, Einaudi, Turin 1982, p. 65). Une fois enclenchées, les dynamiques sociales et politiques vivent une vie propre, selon des règles certes moins rigides que celles qui guident le monde physique, mais très fortes et parfois très proches des principes qui sous-tendent les transformations matérielles.

Les climats de guerre sont également dangereux pour cette raison, comme le démontrent amplement les événements de 1914, qui constituent un sinistre précédent pour l'hystérie anti-russe qui, créée à dessein par les États-Unis d'Amérique, provoque le massacre du peuple ukrainien, littéralement envoyé à l'abattoir, et prépare une catastrophe guerrière pour l'Europe occidentale, après avoir déjà produit une crise économique qui ne cesse de s'aggraver.

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La nature de l'Europe en tant que colonie, qui était claire depuis le suicide de 1939-1945, est maintenant tout à fait évidente et les gouvernements nationaux sont en réalité des gouvernements fantoches au service des États-Unis. Servilité dans laquelle se distinguent les exécutifs et les parlements italiens, qu'ils soient dirigés/majoritaires par le Parti démocrate (socialiste) ou par Fratelli d'Italia.

La doctrine de Brejnev sur les "pays à souveraineté limitée" décrit largement l'Europe contemporaine. Egalement parce que l'une des dynamiques les plus caractéristiques du premier quart du 21ème siècle est l'affaiblissement progressif des États et de leurs appareils politiques, qui mettent leurs structures administratives et leurs réserves économiques au service de puissances mondiales et multinationales, qu'elles soient aussi visibles que les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) payant des impôts dérisoires, ou moins évidentes que la galaxie gravitant autour du magnat de la finance Soros et du Forum économique mondial (WEF) de Davos.

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L'une des innovations politico-technologiques les plus pertinentes financées et soutenues par le GAFAM et le WEF est le "Digital ID Wallet", le "portefeuille numérique" qui constitue l'une des expressions les plus claires du dispositif de contrôle que Michel Foucault a résumé par la formule "surveiller et punir".

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Le "portefeuille numérique", en effet, par le biais d'un simple programme dans les téléphones mobiles, unifie les documents d'identité, les données de santé et les données fiscales, ainsi qu'une géolocalisation implacable du porteur, dont les mouvements deviennent tous traçables. Le cabinet Frost & Sullivan, qui a primé cette invention, déclare qu'"en cas de suspension du droit d'un individu pour quelque raison que ce soit, le gouvernement peut l'invalider en temps réel sur la plateforme" (G. Travers, in éléments, n° 194, février-mars 2022), transformant brutalement le citoyen en étranger sans droits civiques et ne disposant plus de son argent. Une condition de servitude authentique et intégrale (prenons donc bien garde à "télécharger" de telles applications sur nos téléphones).

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Un soutien politique total à ces dynamiques liberticides et dictatoriales est offert par "la gauche néolibérale" (titre de la traduction italienne d'un livre de Sahara Wagenknecht, leader depuis quelques années du parti allemand Die Linke/La Gauche, qui porte dans l'original la dénomination plus efficace de Die Selbstgerechten, que l'on peut traduire par "les arrogants, les présomptueux, les satisfaits d'eux-mêmes"). Wagenknecht procède, dans ce livre, à une description plastique de l'idéalisme politico-anthropologique qui passe de l'internationalisme "communiste", répudié avec horreur, à l'internationalisme ultra-libéral d'un capitalisme (depuis toujours) sans patrie et sans identité, dans lequel triomphe l'ontologie fluxique et indéterminée d'un être humain qui, en se privant d'identité, nie aussi toute différence, un être humain n'existant que comme lieu de passage purement volontariste et sans racines territoriales, culturelles ou biologiques.

Une "gauche" "championne des quotas pour protéger toutes les minorités (diversité), du wokisme correctif à effet rétroactif de l'histoire, et du genderisme biffant le réel de la biologie" et qui au contraire adresse un "dénigrement constant ... quand ce n'est pas un mépris pur et simple pour les droits de l'homme...", quand ce n'est pas le mépris des valeurs défendues par les classes sociales les plus modestes et les habitants des périphéries urbaines et des petites villes de province", qui sont ainsi incités "à voter pour la droite anti-establishment même si elle propose alors des recettes néo-libérales dont ils ne tireront rien" (C. Nizzani, Diorama Letterario, n° 378, mars-avril 2024, p. 24).

Même la propagande écologique de cette "gauche" est en réalité tout à fait superficielle et factice, à la fois parce que la prétendue "transition écologique" est en réalité limitée à l'économie du continent européen, elle aussi vouée à succomber dans le marché mondial; et parce que les solutions qu'elle propose (comme la voiture électrique) sont en réalité encore plus polluantes que les technologies dérivées du charbon; et parce que le principe clé de l'approche écologique originelle et de la Deep Ecology d'Arno Næss et de Martin Heidegger est la défense des territoires, de leurs cultures, de leurs langues, de leurs traditions, et de leurs identités.

Aux fondements libéraux et aux résultats destructeurs de cette "gauche", on pourrait appliquer la formule de Michele Del Vecchio concernant le paradoxe de la "philanthropie de l'ambiguïté", transformée à l'envers, cependant, en ambiguïté de la philanthropie.

Le traditionalisme et la Lituanie

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Le traditionalisme et la Lituanie

Mindaugas Kaktavičius

Source: http://www.radikaliai.lt/

La tradition est ce qui se transmet. C'est ce qui reste constant dans les métamorphoses constantes de l'histoire et de la vie lituaniennes. C'est une source authentique de valeurs fiables de la culture nationale, qui nourrit toutes les cellules de la culture et de la mentalité nationale (1). La présente publication étudie les origines philosophiques et la vision du monde des nouvelles doctrines des mouvements religieux traditionalistes en Lituanie. Elle se concentre sur les concepts traditionalistes les plus influents du passé et du 20ème siècle, qui ont eu l'impact le plus fort sur l'émergence des nouveaux mouvements religieux (NRM) contemporains les plus influents dans notre pays.

Sacrum versus profanum

Avant de procéder à un examen plus détaillé des origines philosophiques et de la vision du monde des doctrines traditionalistes des NRM en Lituanie, nous aborderons brièvement l'idéologie du traditionalisme et définirons les concepts de base que nous utiliserons, ainsi que les doctrines traditionalistes qui ont eu l'impact le plus fort sur l'émergence et la propagation des NRM. Nous commencerons notre analyse par son concept central. L'origine du terme NRM doit être retrouvée au Japon, où le phénomène a commencé à être étudié au début du 20ème siècle. Le terme "nouvelles religions" est une traduction du japonais shin shukyo. Emprunté aux sociologues japonais dans les années 1970, les chercheurs occidentaux en ont fait un terme universel à utiliser à la place des termes "secte", "culte" ou autres "dénominations". Les sectes sont limitées aux groupes religieux, psychothérapeutiques, politiques ou commerciaux hautement manipulateurs [2].

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En Occident, une approche différente des phénomènes religieux en général a commencé à émerger aux 19ème et 20ème siècles. Pierre Daniel Chantepie de la Saussaye (1848-1920) (photo, ci-dessus), le père néerlandais des études religieuses modernes, a inventé pour la première fois le terme "phénoménologie de la religion" dans son livre Lehrbuch der Religionsgeschichte (1887). Pour cet érudit, l'objectif de la phénoménologie de la religion était de collecter des données historiques afin d'analyser les concepts de la religion. Les idées de P. D. Chantepie de la Saussaye ont été suivies par un autre Néerlandais, William Brede Kristensen (1867-1953), qui a proposé de décomposer le phénomène de la religion en éléments spécifiques à des religions particulières.

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La phénoménologie de Kristensen (photo, ci dessus) s'est beaucoup inspirée, mais elle s'est encore plus appuyée sur le concept très influent de sacré (das Heilige) développé par le théologien luthérien allemand Rudolf Otto (1869-1937) dans son livre éponyme publié en 1917.

Le sacré selon R. Otto se trouve "derrière" le sacré, [...] elle peut le déterminer, le conditionner, mais il ne peut pas être identifiée à la sainteté" [3]. Pour Otto, "l'espace et le temps sont divisés en deux sphères: le sacré et le profane" [4]. Cette division donne au sacré une nouvelle "place" - le "centre" du monde, l'axis mundi. Les Lituaniens, comme beaucoup de peuples, avaient leurs propres "centres" du monde - les alci.

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Un exemple de "centre" du monde moderne et du nouvel âge est la pyramide dite de Merkinė dans le village de Česuki dans le district de Varėna (photo, ci-dessus). Plus tard, le thème du sacré a été développé par le spécialiste roumain des religions Mircea Eliade [5] (1907-1986), par le Néerlandais Gerardus van der Leeuw (1890-1950) [6] et par de nombreux autres chercheurs, qui ont tenté de définir la différence entre les deux mondes - celui dans lequel vit la personne religieuse et le monde séculier. Il est vrai que la dichotomie entre le sacré et le séculier, l'ésotérique et l'exotérique, n'est pas forte dans toutes les religions. Dans le bouddhisme, par exemple, le dualisme entre le sacré et le profane n'est pas reconnu, alors que dans les mouvements du nouvel âge, il revêt une importance capitale, comme en témoigne la stricte hiérarchie des membres de ces mouvements : les nouveaux venus se voient enseigner les "secrets" du NRM jusqu'à ce qu'ils atteignent le seuil de l'initiation, et, une fois ce seuil franchi, ils sont introduits dans le royaume du sacrum.

La distinction entre le sacré et le profane a été définie par les traditionalistes, influents partisans de la méthodologie comparative, dont l'école est également connue sous le nom de traditionalisme intégral ou de pérennisme (de Sophia Perennis, qui signifie "sagesse éternelle" en latin). L'inspirateur du mouvement traditionaliste, René Guénon (1886-1951), célèbre spécialiste français des études culturelles comparatives, de l'esthétique et de l'histoire de l'art, converti à l'islam, "a souligné la relativité du "culte des valeurs matérielles" et de la "civilitsation" qui sont exaltés en Occident et qui sont considérés dans le système de valeurs des civilisations traditionnelles comme des manifestations de "barbarie"".

Outre cet érudit, plusieurs autres pionniers du mouvement traditionaliste ont exercé une grande influence: de Ceylan (aujourd'hui Sri Lanka), où le mouvement traditionaliste a été fondé.

Ananda Coomaraswamy (1877-1947), métaphysicien né en Suisse et l'un des plus grands spécialistes des études comparatives indiennes et occidentales de la culture, de l'esthétique et des arts;

Le poète et peintre Frithjof Schuon (1907-1998), érudit suisse de langue allemande;

Titus Burckhardt (1908-1984);

Le spécialiste iranien de la religion, de la philosophie, de l'esthétique et de l'art Seyyed Hossein Nasr (né en 1933).

Ces penseurs ont affirmé que le monde moderne devait être réformé sur la base des traditions culturelles chères à l'humanité depuis des millénaires, qu'ils ont identifiées dans leurs textes comme le concept fondateur de la Tradition, qu'ils ont capitalisé et associé à la Sophia Perennis. Le terme Sophia Perennis ou Philosophia Perennis remonte d'ailleurs à la Renaissance. L'érudit allemand Gottfried Leibniz (1646-1716) a écrit plus tard sur ce sujet, mais c'est en fait le bibliothécaire du Vatican et théologien Agostino Steuco (Steucho/Steuchus/Steuchius), moins connu, qui a décrit pour la première fois l'idée de sagesse éternelle et inventé le terme "Philosophia Perennis" dans son ouvrage De philosophia perenni sive veterum philosophorum cum theologia christiana consensu libri X, publié en 1540. Il est vrai que les termes "source éternelle de la volonté de Dieu" ou "sagesse éternelle de Dieu" ont été utilisés par les scolastiques dès les 12ème et 15ème siècles, mais la phrase "Dieu est l'entendement, le compris et l'entendement de l'entendement" de Steuchius est devenue légendaire pour les philosophes à venir.

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Comme nous pouvons le constater, les idéologues traditionalistes susmentionnés et leurs inspirateurs ont souligné l'importance du symbolisme, de la métaphysique et de la spiritualité. Ils se sont inspirés des traditions orientales pour affirmer que le monde occidental vivait un âge des ténèbres (Kali Yuga). Il ne pouvait être aidé que par une élite intellectuelle revivifiée qui ressusciterait de l'oubli les connaissances longtemps oubliées qui avaient formé le cœur de la mentalité des sociétés traditionnelles il y a des centaines ou des milliers d'années. L'époque au cours de laquelle la tradition divine s'est épanouie est appelée l'âge d'or (Satya Yuga).

Par une coïncidence intéressante, de nombreux traditionalistes étaient des adeptes de l'islam, la religion qui a connu la plus forte croissance dans le monde au cours du siècle dernier. L'islam est aujourd'hui pratiqué par plus de 1,5 milliard de personnes dans le monde. En Lituanie, bien que de nombreux adeptes de cette religion aient servi fidèlement notre État multiculturel et polyconfessionnel (en particulier dans les structures militaires) au cours des siècles, depuis l'apogée du Grand-Duché de Lituanie (elle constituait certaines des unités militaires les plus fiables du Grand-Duché de Lituanie), une petite communauté de musulmans - environ 3200 personnes - a survécu jusqu'à aujourd'hui. Comme les Karaïtes, les Juifs (Hassidim et Mitnageds) et les confessions chrétiennes (catholiques latins, catholiques grecs, vieux croyants, orthodoxes, luthériens évangéliques, réformés évangéliques), ils sont reconnus par la loi lituanienne comme une communauté religieuse traditionnelle, qui regroupe sept communautés (8). Comme dans le reste du monde, l'islam est la religion la plus en expansion en Lituanie. En témoignent non seulement le nombre croissant de convertis à l'islam en Lituanie, mais aussi la littérature qu'ils publient et les sites web qu'ils gèrent [9].

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L'islam a une longue et profonde tradition en Lituanie. Les premiers musulmans étaient des Tatars, un groupe ethnique unique qui vit actuellement en République de Lituanie, dans la partie occidentale de la République du Belarus et à la frontière orientale de la République de Pologne. Les Tatars sont apparus aux 14ème et 16ème siècles et se sont installés dans le Grand-Duché de Lituanie, à l'invitation de Vytautas le Grand. Ayant perdu leur langue en peu de temps, les Tatars de Lituanie ont préservé leur identité nationale pendant plus de 600 ans, grâce à leur fort attachement à leur religion ancestrale, l'islam. Selon certaines sources, les souverains de Lituanie et de Pologne ont toujours été tolérants à l'égard de la société tatare et de sa religion, construisant des mosquées sur leurs terres et permettant aux Tatars de pratiquer leur religion sans entrave. En 1988, la Société culturelle tatare lituanienne a été fondée et les activités sociales des communautés tatares ont été rétablies.

En 1998, le Muftiyat, le centre spirituel des musulmans sunnites en Lituanie, a été restauré. "Cependant, les Tatars ne sont pas les seuls musulmans à vivre en Lituanie. Au cours des dix dernières années, des visiteurs étrangers ont commencé à arriver en Lituanie et à s'y installer pour y vivre ou y étudier. Bien que la Lituanie soit un pays chrétien, ils ont suivi avec diligence les traditions de leur pays d'origine. En collaboration avec des muftis et des imams tatars, les étudiants étrangers ont relancé les prières du vendredi et ont commencé à organiser des conférences dominicales dans les mosquées et les écoles des petites villes peuplées de Tatars. Outre les nombreuses communautés tatares, Vilnius abrite le muftiyat, le centre spirituel des musulmans sunnites de Lituanie, ainsi que la communauté de la jeunesse musulmane lituanienne, dont le centre est la mosquée de Kaunas" [10].

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Martin Lings

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Kurt Almqvist

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Tage Lindbom

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Ashq Dahlén

Il n'est pas surprenant qu'outre Guénon, les musulmans comprennent le traditionaliste F. Schuon, ses disciples Martin Lings (1909-2005), un Britannique, et les Suédois Kurt Almqvist (1912-2001) et Tage Lindbom (1909-2001), ainsi que Burckhardt, S. H. Nasr, et le compatriote iranien Ashq Dahlén (né en 1972).

D'autres traditionalistes, il faut le souligner, ne pratiquaient que des religions traditionnelles: Coomaraswamy était hindou, Marco Pallis (1895-1989), un Britannique, était bouddhiste, avec un intérêt particulier pour les traditions religieuses et la culture du Tibet, et le Français Jean Borella (né en 1930) était chrétien et néoplatonicien.

Julius Evola (1898-1974), éminent spécialiste italien des études culturelles et religieuses comparatives, qui s'est intéressé toute sa vie à l'hermétisme, au bouddhisme et au taoïsme, et qui a publié un certain nombre d'études comparatives importantes, s'est également décrit comme un traditionaliste "en cette époque de ténèbres spirituelles". La liste pourrait s'allonger à l'infini. Mais le fait est que la victoire du traditionalisme, ou plutôt de la Tradition, qui est restaurée à travers lui, sur la postmodernité peut être considérée comme au moins partiellement acquise. Les traditionalistes soulignent que notre époque n'est pas seulement une période d'obscurité et de crise, mais aussi un "royaume de la quantité" (terme de Guénon), où l'homme et le cosmos sont de plus en plus remplis de matérialité. Depuis la Renaissance, affirment-ils, le monde occidental a presque complètement perdu tout lien avec la Sophia Perennis et le sacrum. Dans le sous-continent indien, ces termes ont un équivalent sanskrit, le sanātana dharma ("loi éternelle"). L'hindouisme est la plus ancienne religion du monde, qui fait partie d'une tradition extrêmement complexe, la troisième après le christianisme et l'islam en termes de nombre d'adeptes (environ 1 milliard).

Voici un bref aperçu des principales thèses des gardiens de la Tradition. Selon René Guénon, "[...] les civilisations traditionnelles sont fondées sur l'intuition intellectuelle. En d'autres termes, dans ces civilisations, la doctrine métaphysique est la chose la plus importante, et tout le reste en découle. [...] Le monde moderne tente de toutes ses forces, tout en se réclamant de la science, de tendre vers un seul but: le développement de la production et de la mécanisation. Ainsi, en voulant asservir la matière, les hommes deviennent eux-mêmes ses esclaves. Ils ne se contentent pas de limiter leurs prétentions intellectuelles - si elles existent encore aujourd'hui - à l'invention et à la construction de mécanismes. Les hommes sont devenus eux-mêmes des mécanismes. [...] La qualité ne signifie plus grand-chose, seule la quantité compte. C'est pourquoi la civilisation moderne peut être qualifiée de quantitative, c'est-à-dire de matérialiste" [11].

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Guénon souligne l'existence d'une "science sacrée" et d'une "science profane". "Le monde moderne est un monde de négation de la Tradition et de la vérité surhumaine. Si les hommes le comprenaient, la transformation finale du monde ne serait pas une catastrophe, mais il est désormais impossible de l'éviter. [...] Mais rien ne pourra jamais vaincre la vérité. Rappelons donc la devise de certaines des anciennes organisations initiatiques d'Occident : "Vincit omnia Veritas" - "La vérité triomphe de tout" [12]. Les paroles de Guénon sont devenues prophétiques des décennies plus tard, le rapport de la Fédération de la Croix-Rouge indiquant que le nombre de catastrophes naturelles a atteint un niveau record cette année, avec pas moins de 500 désastres en 2007 (contre 427 l'année précédente).

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Burckhardt (photo, ci-dessus) a enseigné à aimer la tradition. "Pour comprendre une culture, il faut l'aimer, et cela ne peut se faire que sur la base de ses valeurs universelles et intemporelles. Ces valeurs sont essentiellement les mêmes dans toutes les vraies cultures, et elles satisfont non seulement les besoins physiques mais aussi les besoins spirituels de l'homme, sans lesquels sa vie n'a pas de sens. Rien ne nous rapproche plus d'une autre culture que les œuvres d'art qui la représentent, comme si elles en étaient le "centre". Il peut s'agir de peintures sacrées, de temples, de cathédrales, de mosquées ou encore de tapis anciens. Nous pouvons donc beaucoup mieux comprendre, par exemple, les formes intellectuelles et éthiques de la culture bouddhiste si nous connaissons l'image typique du Bouddha" [13].

Schuon a ajouté à la profondeur de la pensée de ces penseurs la miniature mystique "Être avec Dieu": "Soyez avec Dieu dans la vie. Dieu sera avec vous dans la mort. Soyez avec Dieu dans le temps. Dieu sera avec vous dans l'éternité. Souvenez-vous de Moi. Je me souviendrai de vous" [14].

Coomaraswamy a dit: "Les nations sont créées par les poètes et les artistes, et non par les commerçants et les politiciens. Les principes les plus profonds de la vie sont dans l'art" [15]. Pour ce penseur, le mot "nationalisme" signifiait l'expression culturelle d'une nation. Lorsque l'Inde est devenue indépendante, il a déclaré publiquement : "Soyez vous-mêmes". Le traditionaliste déclarait ainsi l'authenticité esthétique plutôt que l'aspect politique de la liberté.

Il est regrettable que de nombreux nouveaux mouvements religieux en Lituanie n'aient rien à voir avec la Tradition, mais soient influencés par la "McDonaldisation", l'expansion de la "culture" occidentale que Guénon craignait tant, ainsi que par le syncrétisme. Il est également désagréable que les traditionalistes soient souvent accusés de promouvoir un nationalisme fasciste. Pourtant, Guénon, Burckhardt, Schuon, Coomaraswamy, Pallis et Lings sont des humanistes qui luttent pour les droits des opprimés, des humiliés et pour la préservation de leurs traditions, et de telles accusations sont à l'origine de l'émergence de figures ultra-nationalistes à travers le monde, comme par exemple celle du philosophe russe, néo-eurasiste, qui s'est fait un nom sur la scène internationale, le philosophe russe et néo-eurasiste Alexandre Douguine (né en 1962) [16], le fondateur français du mouvement "Nouvelle Droite" Alain de Benoist (né en 1943), ou encore des propagandistes néo-nazis comme Stephen McNallen (né en 1948) [17].

Cependant, à côté des figures fascistes, il existe aussi dans notre pays des gardiens holistiques du sacrum.

Metaphysique.jpgLe terme "holisme" est dérivé du mot grec "holos", qui signifie "entier". "Le principe de base du holisme remonte à la Métaphysique d'Aristote: "Le tout est plus que la somme des parties". En d'autres termes, pour nous comprendre nous-mêmes, comprendre le monde, l'univers, nous devons considérer l'ensemble (sphères biologique, chimique, sociale, économique, mentale, linguistique et autres). Ce n'est qu'en comprenant le tout que nous pouvons comprendre comment les différentes parties du tout fonctionnent. Le terme "holisme" a été utilisé pour la première fois par le Premier ministre sud-africain, officier militaire (maréchal), botaniste et philosophe Jan Christian Smuts (1870-1950) dans son livre de 1926 intitulé Holism and Evolution (Holisme et évolution). Il définit le holisme comme "la tendance de la nature à former des ensembles qui sont plus grands que la somme de leurs parties, en tenant compte de la créativité de l'évolution".

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La vie de J. Ch. Smuts, érudit et polyglotte, n'est pas sans rappeler la philosophie du holisme : il a lutté contre l'apartheid naissant en Afrique du Sud et a fondé les Nations unies. Lorsqu'Albert Einstein a lu "Holisme et évolution", il a déclaré qu'au cours du prochain millénaire, les gens seraient influencés par deux choses : sa théorie de la relativité et le holisme de J. Ch. Smuts. Le célèbre physicien a également ajouté que J. Ch. Smuts est "l'une des onze personnes au monde" à avoir compris sa théorie de la relativité. Une statue en l'honneur du fondateur du holisme est érigée sur Parliament Square, à Londres. J. Ch. Smuts est également considéré par les Juifs comme l'une des personnes ayant le plus contribué à la fondation d'Israël. Plusieurs rues des villes israéliennes portent son nom, ainsi qu'un certain nombre de plantes qu'il a trouvées en Afrique du Sud.

Par ailleurs, le holisme rappelle non seulement la culture mélanésienne de Nouvelle-Calédonie, que le missionnaire protestant Maurice Leenhardt (1878-1954) appelait le cosmomorphisme (la symbiose parfaite entre l'homme et le monde naturel qui l'entoure), mais aussi la foi balte, où nos ancêtres recherchaient l'harmonie avec les plantes, les animaux et les phénomènes naturels.

Dans la seconde moitié du 20ème siècle, les théories physiques du chaos et de la complexité se sont développées à partir du holisme. Le holisme a influencé l'écologie, une nouvelle approche de la théorie économique, la philosophie du langage, l'anthropologie, l'architecture, le design, l'éducation, la médecine psychosomatique" [18]. Il est vrai que certains spéculent sur le holisme et le transforment en un autre mouvement new age. Par exemple, l'Institut de santé holistique de Kaunas a été fondé, où l'on enseigne la médecine extrasensorielle, la bioénergie, l'"astrologie médicale", la chiromancie, la parapsychologie, la "psychologie spirituelle", etc.

Le retour à la tradition est également recherché par la foi balte, souvent qualifiée sans raison de "païenne" (latin paganus - "villageois"), bien que les adeptes de cette foi n'aient pas peur du mot "païen".

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Il est vrai que Gintaras Beresnevičius admet qu'il est impossible de recréer une religion ancienne, "mais il est possible de recréer (créer ?) une certaine attitude, une humeur de l'âme - une ouverture religieuse à l'environnement - sur la base d'expériences spéciales sacrées" [20]. Beresnevičius qualifie les Romuviens - membres de la communauté confessionnelle balte Romuva - de "bouddhistes zen partiellement lituaniens", "et le bouddhisme zen, comme l'expérience sacrée de la nature, n'exclut pas un autre type de religiosité" [21]. Selon l'universitaire, l'idée du peuple romuva est le lien entre l'homme, ses ancêtres, la nature et l'univers. En d'autres termes, il s'agit d'un retour à la tradition. Surtout que dans le mouvement romuva, on peut sentir l'individualité de la personnalité, ils ne sont pas nivelés comme dans beaucoup de NRM : "... les Romuvas sont différents, individuels, leur religiosité ne les met pas dans un ghetto socialement, émotionnellement, elle n'endommage pas leur psyché", tandis que, mentionnant le cas de la Parole de Foi comme exemple, G. Beresnevičius souligne que "si vous parlez à l'un d'entre eux, vous parlez à tous" [22].

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Les Romuvas eux-mêmes le disent: "Romuva est une foi et une religion baltes. Romuva, c'est la paix, l'harmonie et la beauté - les valeurs les plus importantes de notre esprit. Romuva est une religion de vie et d'harmonie. Le nom de Romuva a brillé à nouveau avec la renaissance d'un peuple et d'une ancienne foi naturelle. En la qualifiant de "baltique", nous soulignons son ancienneté et sa tradition ininterrompue" [23]. Par ailleurs, les Romuvas reconnaissent la réincarnation, bien que cette doctrine soit issue de la philosophie indienne.

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Le premier krivi lituanien Jonas Trinkūnas (photo) a été ordonné sur la tombe de Gediminas à Vilnius en 2002, après un hiatus de 600 ans. G. Beresnevičius a qualifié cet événement d'importance européenne. Il s'agit bien sûr d'une des pierres angulaires de la restauration de la Tradition. Malheureusement, les autorités de notre pays, la Lithuanie, favorisent les NRM destructeurs - par exemple, le mouvement très controversé des adeptes d'Osho est enregistré comme une communauté bouddhiste auprès du ministère de la Justice, alors qu'il n'a rien à voir avec le bouddhisme, et ceux qui professent la foi balte ne reçoivent toujours pas de reconnaissance de la part de l'État.

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Dans son livre sur la foi balte, Trinkūnas explique: "Vydūnas a écrit à plusieurs reprises sur l'ancienne foi des Lituaniens et s'est émerveillé de sa sagesse. Une caractéristique importante de cette foi était son autosuffisance; elle a grandi et s'est développée comme un chêne sacré dans sa terre natale. Malheureusement, l'expérience spontanée du Grand Mystère a été entravée et interrompue, et la perte de conscience de soi a pu se poursuivre pendant des siècles. Notre ancienne foi n'a jamais consisté à lire des livres et à en discuter. L'essence de cette foi était la vie elle-même et sa sagesse. Aujourd'hui, cependant, nous avons besoin de livres sur la religion naturelle et la vision du monde, car la connaissance vivante de la foi ancestrale s'est évanouie. La civilisation agressive dilue encore davantage la mémoire naturelle des peuples. En pensant à l'avenir de la nation, nous aspirons à sa survie et à celle de ses valeurs spirituelles. La tradition balte est la vision du monde, les anciennes croyances, les coutumes, le folklore, etc. et Romuva symbolise l'unité et la continuité de cette tradition" [24].

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La nature traditionnelle de la foi balte a fait l'objet de nombreux écrits de la part de G. Beresnevičius (1961-2006), ainsi que Norbertas Vėlius (1938-1996) (photo, ci-dessus), qui a écrit The Ancient Baltic Worldview (1983), Sources of Baltic Religion and Mythology (4 volumes, 1996-2005) et d'autres ouvrages, Marija Gimbutienė/Marija Gimbutas (1921-1994), Pranė Dundulienė (1910-1991), Nijolė Laurinkienė, Elvyra Usačiovaitė, Libertas Klimka, Dainius Razauskas, Radvilė Racėnaitė, Vladimiras Toporovas et d'autres.

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L'idée de Gimbutiene (Marija Gimbutas) selon laquelle la mythologie balte est une fusion des cultures matricentriques de la vieille Europe et de la nouvelle religiosité patricentrique apportée par les Indo-Européens est la plus proche du concept de Tradition. Il est vrai que le matricentrisme de la Vieille Europe n'est qu'une hypothèse qui existe depuis le 19ème siècle et qui a influencé les mouvements néopaïens qui ont émergé dans le monde dans la seconde moitié du 20ème siècle (dont le plus célèbre est peut-être la Wicca, un NRM, créé en 1954 par l'occultiste britannique Gerald Gardner (1884-1964).

220px-Pictorius.jpgIl faut cependant admettre que les origines du néopaganisme remontent à la Renaissance, avec la publication en 1532 de la Theologia mythologica du médecin allemand Georg Pictorius de Villigen (c.1500-1569) (gravure, ci-contre). Plus tard, en 1717, l'"Ordre des druides" a été fondé, suivi d'un intérêt pour l'héritage scandinave et, au début du 20ème siècle, pour les runes. Le plus grand spécialiste des runes est peut-être le poète, écrivain et occultiste autrichien Guido von List (1848-1919), qui a publié en 1908 une sorte de classique, Das Geheimnis der Runen (Le secret des runes).

Malheureusement, le néopaganisme a ensuite fusionné avec le mouvement new age. Selon Beresnevičius, cette fusion complète la société moderne avec la montée des tendances polythéistes, des doctrines orientales, des enseignements sur la réincarnation, du féminisme, de l'environnementalisme, de l'essor de l'astrologie et de l'exploration de la conscience et de l'inconscient dans la science et la parapsychologie. Tout cela a éloigné la société de la Tradition et l'a rendue laïque [25].

paveikslelis-446-bg.jpgLa tradition n'a pas complètement disparu. Des tentatives relativement mineures ont été faites pour étudier les runes lituaniennes (sic!). L'érudite lituanienne Pranciška Regina Liubertaitė (photo) affirme que non seulement les Scandinaves, les Anglo-Saxons (Anglais, Saxons, Jutes, Frisons), les Goths, les Turcs, les Hongrois, mais aussi... les Lituaniens possédaient des runes. Une plaque avec des signes runiques, qui a donné beaucoup à réfléchir [26], a été trouvée lors de la construction de l'ascenseur de la colline de Gediminas en 2003. Le mot rune est d'origine indo-européenne, et il signifie un secret, c'est-à-dire une tradition.

En résumé, tous les traditionalistes, qu'ils soient modérés ou radicaux, partagent le même désir de ramener la Tradition, seuls les moyens qu'ils proposent diffèrent.

À l'opposé des gardiens du sacrum (des phénoménologues aux traditionalistes et aux holistes) se trouvent les philosophes cyniques du postmodernisme et du transhumanisme.

Profanum contre sacrum

La philosophie postmoderne a été influencée par la phénoménologie, le structuralisme, l'existentialisme et la philosophie analytique. Mais voyons ce qui nous intéresse le plus dans ce cas, à savoir l'approche de la religion par la philosophie postmoderne.

Commençons par une hypothèse: le postmodernisme, contrairement aux gardiens du sacrum, nie le dualisme entre le monde spirituel et le monde physique, entre l'esprit et les objets qu'il valorise; en d'autres termes, la postmodernité est un monde qui peut être influencé par la seule pensée. Les postmodernistes nient la Tradition et influencent la mentalité de la société moderne sécularisée avec la vision que tout est hyperréalité, pseudo-événement, virtualité, simulacre. Les transhumanistes nient également la Tradition, mais ils rêvent d'une utopie du corps. Rappelez-vous les paroles prophétiques du penseur anglais Thomas More (1478-1535): "[...] les utopistes, par leurs facultés instruites par les sciences, sont admirablement habiles dans les inventions qui procurent toutes les commodités de la vie" [27].

Nous aimerions définir les principaux termes inventés et utilisés par les anti-traditionalistes (transhumanistes).

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Daniel Boorstin

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Hyperréalité. Dans la philosophie postmoderne, l'incapacité de la conscience à distinguer la réalité de la fantaisie. Les philosophes les plus célèbres qui ont étudié l'hyperréalité sont le Français Jean Baudrillard (1929-2007), l'Allemand Albert Borgmann (né en 1937), l'Américain Daniel Boorstin (1914-2004) et l'Italien Umberto Eco (né en 1932).

Baudrillard a déclaré: "La distorsion de l'espace qui suit la distorsion d'une planète équivaut au désensablement de la souche humaine, ou à sa réversion dans l'hyper-courant de la simulation. C'est la fin de la métaphysique, la fin du fantasme, la fin de la science-fiction, le début d'une ère d'hyperréalité" [28]. Borgmann a souligné l'aliénation de notre société par rapport à la Tradition, car elle est devenue hyperactive, pathologiquement accro au travail. Boorstin a dit un jour que le plus grand obstacle qui nous empêche de découvrir la forme de la terre, ses continents et ses océans, est l'illusion que nous savons. Eco a qualifié l'hyperréalité, paradoxalement, de "faux authentique".

Pseudo-événement. D. Boorstin a emprunté ce terme à Guy Debord (1931-1994), le célèbre situationniste auteur de l'ouvrage légendaire La Société du spectacle (1967). Un pseudo-événement est créé pour attirer l'attention des médias, mais il ne fonctionne pas dans la réalité. C'est la publicité qui s'est emparée de notre monde, les "nouvelles" biaisées, les "nouvelles" créées par les sociétés de relations publiques (PR). L'événement n'existe plus dans une société qui a oublié la Tradition, mais il a été remplacé par un pseudo-événement qui devient "plus réel que la réalité". Par exemple, la lettre "M" est censée créer le monde de McDonnald's, qui représente un certain aliment, mais en réalité la lettre "M" dans le monde profane ne signifie pas grand-chose. En revanche, la rune M (mannaz ou manwaz) a toujours signifié l'homme et, dans la Tradition, comme d'autres runes, elle a été chargée de sens.

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Virtualité. Le terme a été inventé par Ted Nelson (né en 1937) (photo), philosophe américain et expert en technologies de l'information qui a inventé le terme hypertexte en 1963. On lui attribue également la phrase suivante: "La plupart des gens sont stupides, le gouvernement est mauvais, Dieu n'existe pas, tout est mauvais". Le virtuel représente tout ce qui n'est pas réel. En d'autres termes, c'est un profanum.

Simulacre. Le "père" de ce terme est Baudrillard. Les simulacres sont l'imagination utopique, la science-fiction et la "réalité" hyperréelle.

Pour résumer les grandes lignes de la philosophie postmoderne, il est clair que, selon Baudrillard, ce monde est une copie (copyworld). La réalité n'est plus réelle, elle a disparu de sa propre carte. Ou, comme le dirait Jacques Derrida (1930-2004), un autre philosophe postmoderne français, il y a "religion et espace-temps virtuel" [29].

"Il est vrai qu'il existe aussi une alternative (ou plutôt une opposition) positiviste à la Tradition: le transhumanisme. Le concept d'Übermensch, présenté au public dans le livre de Friedrich Nietzsche (1844-1900) de 1883 Ainsi parlait Zarathoustra (Also sprach Zarathustra), est au cœur de cette alternative. Elle trouve son origine dans l'expression "survie du plus apte" inventée par le philosophe anglais Herbert Spencer (1820-1903), telle qu'elle est décrite dans son ouvrage Principles of Biology de 1864, écrit en réponse à son admiration pour les idées de Charles Darwin (1809-1882). L'idée du surhomme a cependant dégénéré lorsque les nazis l'ont utilisée à leurs propres fins, déclarant que les Aryens étaient des surhommes, la "race supérieure" (en allemand: Herrenvolk). Dans la culture populaire et dans les nouveaux mouvements religieux, le surhomme est l'un des personnages les plus importants. Les hommes politiques utilisent également l'image du surhomme.

On peut qualifier tout cela de sophismes historiques ou de simples spéculations. Cependant, depuis un certain temps, il existe dans le monde une philosophie futuriste du transhumanisme (ou posthumanisme), qui est prise très au sérieux par beaucoup. 

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La pionnière du transhumanisme contemporain est l'artiste américaine Natasha Vita-More (née en 1950; de son vrai nom Nancie Clark) (photo), qui a écrit en 1982 le Manifeste pour l'art transhumaniste. On peut y lire: "L'art transhumaniste développe et prolifère de nouveaux modes d'expression artistique. Notre esthétique et nos expressions, liées à la science et à la technologie, stimulent l'expérience sensorielle. Les transhumanistes cherchent à améliorer et à activer la vie. Nous utilisons la technologie pour activer et améliorer la vie" [30].

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Mais il ne s'agit là que des premières étapes du transhumanisme moderne (ou posthumanisme). L'une des figures les plus importantes associées au transhumanisme moderne est le philosophe et futurologue d'origine iranienne Fereidoun M. Esfandiary (1930-2000) (photo), qui a déclaré avoir "une grande nostalgie de l'avenir". En 1989, il a écrit un ouvrage de référence sur la philosophie du transhumanisme, Are You a Transhumanist?

Fils d'un diplomate iranien, il avait déjà visité 17 pays à l'âge de 11 ans, puis a travaillé pour la Commission des Nations unies en Palestine entre 1952 et 1954. Il a écrit plusieurs livres de fiction sous son vrai nom, et des ouvrages philosophiques scientifiques, futurologiques et transhumanistes sous le pseudonyme FM-2030 (il pensait qu'en 2030, notre civilisation aurait déjà considérablement changé - "cette année-là, nous serons devenus éternels"). Malheureusement, en 2000, le philosophe est emporté par un cancer. À sa demande, le corps de FM-2030 a été cryogénisé à l'Alcor Life Extension Foundation en Arizona.

Le transhumanisme (également connu sous le nom de >H ou H+) est aujourd'hui un vaste mouvement intellectuel et culturel qui soutient les dernières découvertes technologiques et scientifiques. Les transhumanistes pensent que les humains deviendront progressivement beaucoup plus intelligents et capables, c'est-à-dire des post-humains qui seront immortels - mais dans leur corps plutôt que dans leur âme [32].

La transformation des humains en post-humains a été décrite par l'éminent philosophe américano-japonais Francis Fukuyama (né en 1952). Dans son célèbre ouvrage La fin de l'histoire et le dernier homme (1992), il affirme que l'époque actuelle est la fin de l'histoire, car elle représente le point final de l'évolution idéologique de l'humanité et l'universalisation de la démocratie libérale occidentale.

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Dix ans plus tard, dans son livre Our Posthuman Future: Consequences of the Biotechnology Revolution (2002), Fukuyama a développé cette thèse, affirmant que la fin de l'histoire ne peut survenir avant la fin des sciences naturelles et de la technologie. Pour lui, le fait que l'humanité soit sur le point de prendre le contrôle de ses processus évolutifs aura un effet profond et extrêmement destructeur sur la démocratie libérale. Les post-humains, selon Fukuyama, en manipulant le génome humain, seront capables de refaire l'humanité de la manière la plus neutre sur le plan idéologique et de la vision du monde. En d'autres termes, ce sera aussi la fin de la Tradition.

Incidemment, il convient de noter qu'en tant qu'ennemi idéologique du président américain George W. Bush (né en 1946), Fukuyama a souligné que les États-Unis ont grandement exagéré le danger de l'"islam radical", car la lutte contre le djihad n'est pas militaire, mais plutôt politique, une bataille avec les cœurs et les esprits de la population musulmane du monde, c'est-à-dire une bataille avec la Tradition. "Dans la période post-historique, il n'y aura ni art ni philosophie, seulement l'entretien perpétuel du musée de l'histoire" [33], conclut tristement Fukuyama.

Ainsi, après avoir brièvement discuté des origines philosophiques et de la vision du monde des doctrines des nouveaux mouvements religieux traditionalistes en Lituanie, nous pouvons dire qu'ils ont été principalement influencés par les diverses théories traditionalistes qui se sont répandues au cours du 20ème siècle. Leurs idéologues les plus influents ont encouragé les personnes de différents pays et religions à se tourner vers leurs racines et à prendre conscience de l'importance des valeurs traditionnelles dans un monde désacralisé dominé par de puissantes tendances à la commercialisation culturelle.

Parallèlement aux doctrines traditionalistes, des systèmes de vision du monde et des religions influentes telles que le taoïsme, le bouddhisme chan, le bouddhisme zen, le bouddhisme seon, l'hindouisme et le shintoïsme gagnent du terrain dans le monde d'aujourd'hui, tout comme la promotion du holisme et la déclaration de la relation indissoluble de l'homme avec la nature. Le nombre croissant de partisans de ces visions du monde, des holistes profondément enracinés dans l'élite universitaire et artistique occidentale, sont convaincus que, comme l'affirme le célèbre Livre des changements chinois (Yijing), tout est lié dans le monde et que, par conséquent, la nature ne peut être séparée de l'homme, et l'homme ne peut être séparé de la nature (ou de Dieu). Ces attitudes, qui ont suivi la puissante vague de l'orientalisme postmoderne, se sont largement répandues en Occident et sont devenues partie intégrante de la culture, de l'esthétique, de l'art et de la religion postmodernes. Selon les idéologues postmodernes influents, il n'y a plus de religion et de réalité clairement centrées dans le monde postmoderne de la culture méta-civilisationnelle, car nous vivons dans un contexte de lutte et de concurrence entre une multitude d'idées et de théories religieuses, et nous errons donc dans le monde comprimé de la mondialisation, à la recherche d'une vision du monde et d'une attitude religieuse plus acceptables pour tout le monde.

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Selon les transhumanistes, à l'avenir, "dans l'ère humaine, les machines seront des dieux", "les machines complexes seront une forme évolutive de la vie" et "la logique sera un produit de l'imagination humaine" (selon les mots de l'écrivain anglais Robert Pepperell, fondateur de la branche posthumaniste du mouvement transhumaniste, né en 1963). Contrairement à de nombreuses régions du monde, où l'on observe un retour croissant aux valeurs traditionnelles de la culture, de la religion, de l'éthique et de l'art, en Lituanie, nous devons dire que les nouveaux mouvements religieux ont tendance à ignorer la tradition.

La plupart du temps, par manque de compréhension de l'importance des traditions culturelles dans le monde actuel, ils courent après des modes post-mondaines qui séduisent les gens qui ne croient pas en la valeur de la Tradition. En effet, la tradition ne se promeut pas d'elle-même, elle doit être découverte pour elle-même. C'est l'une des nombreuses raisons pour lesquelles la tradition unique de la culture et de la religion baltes, qui est si importante pour notre culture, notre mentalité et notre conscience nationale, a si peu de partisans. Cette situation est très surprenante pour de nombreux spécialistes religieux étrangers, en particulier les Japonais, qui sont parfaitement conscients de l'importance du maintien des traditions culturelles et religieuses nationales dans un monde post-moderne qui nivelle les distinctions.

Notes:

[1] A. Andrijauskas, Beresnevičius et les possibilités de la réception heuristique de l'histoire de la culture de la GDL // Kultūrologija 14. Est-Ouest: études comparatives V. - Vilnius, Institut de la culture, de la philosophie et de l'art, 2006, p. 29.

[2] M. D. Langone, Secular and Religious Critics of Cults : Complementary Visions, Not Irresolvable Conflicts, 22 novembre 2006, http://www.csj.org/infoserv_articles/langone_michael_secularandreligious....

[3] G. Beresnevičius, "Sanctification et laïcité": une brève introduction à un sujet inattaquable // Mircea Eliade, Sanctification et laïcité - Vilnius, Mintis, 1997, p. viii.

[4] Ibid, p. x

[5] M. Eliade, Sanctification et laïcité - Vilnius, Mintis, 1997.

[6] G. Van der Leeuw, Phänomenologie der Religion - Tübingen, J. C., 1933.

[7] A. Andrijauskas, Histoire comparée des idées de civilisation. - Vilnius Academy of Arts Publishing House, 2001, p. 335.

[8] http://www.state.gov/g/drl/rls/irf/2006/71392.htm.

[9] Cheikh Ali El-Tantawi, Introduction à l'islam. - Kaunas, Mosque, 2001 ; le journal de l'Union des communautés tatares de Lituanie "Lietuvos totoriai" - près de 140 numéros ont été publiés depuis 1995 [données du 26.02.2012], le journal peut être consulté sur Internet à l'adresse http://www.tbn.lt/lt/?id=8&item=43 ; et il y a également les sites web des musulmans vivant en Lituanie www.islamas.lt et www.musulmonai.lt.

[10] http://islamas.lt/il.htm.

[11] http://www.lib.ru/POLITOLOG/genon.txt.

[12] Ibid.

[13] http://www.worldwisdom.com/Public/Authors/Detail.asp?AuthorID=4#excerpt.

[14] http://www.frithjof-schuon.com/TEXT1142ENG.htm.

[15] http://www.tamilnation.org/hundredtamils/coomaraswamy.htm.

[16] http://www.evrazia.org.

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[17] McNallen a créé en 1985 une pseudo-science, la métagénétique, prônant un homme nouveau au-delà des découvertes de la génétique, rappelant le "vrai Aryen" créé par les ariosophes nazis.

[18] M. Peleckis, The Phenomenon of Industrial Subculture (5) : Holistic Art in Lithuania // Literatura ir menas, 23.11.2007, http://www.culture.lt/lmenas/?leid_id=3166&kas=straipsnis&st_id=11786.

[19] Publicité dans le magazine Būrėja, 2005, n° 12 (38).

[20] G. Beresnevičius, Ant laiko ašmenų (Sur les axes du temps) - Vilnius, Aidai, 2002, p. 95.

[21] Ibid, p. 94.

[22] Ibid, pp. 93-94.

[23] Sous le signe de Romuva. Notre foi aujourd'hui. - Vilnius, Floramedia Baltic, 2001, p. 2.

[24] J. Trinkūnas, Baltic Faith. Vilnius, Diemedžio leidykla, 2000, pp. 5, 6, 8.

[25] G. Beresnevičius, Ant laiko ašmenų - Vilnius, Aidai, 2002, p. 87.

[26] Il y avait peut-être la seule communauté en Lituanie, bien que virtuelle, intéressée par Tradicija ir ruų paslaptys (Tradition et mystères des runes), qui se trouvait sur le site http://lietuva.white-society.org et s'appelait " Baltosios tradicijos " (Traditions baltes), mais sa page a été fermée ; les runes intéressent également certains musiciens industriels, comme le groupe Sala, originaire d'Utena.

[27] T. More, Utopia. - Vilnius, Vaga, 1968, p. 109.

[28] J. Baudrillard, Simuliakrai ir simuliacija - Vilnius, Baltos lankos, 2002, p. 143.

[29] J. Derrida, G. Vattimo et al, Religija - Vilnius, Baltos lankos, 2000, p. 10.

[30] http://www.transhumanist.biz/transhumanistartsmanifesto.htm.

[31] FM-2030, Êtes-vous un transhumain ? Monitoring and Stimulating Your Personal Rate of Growth in a Rapidly Changing World - New York, Warner Books, 1989.

[32] M. Peleckis, Transhumanisme : espoirs et dangers // Literatura ir menas, 14.09.2007, http://www.culture.lt/lmenas/?leid_id=3156&kas=straipsnis&st_id=11370.

[33] F. Fukuyama, La fin de l'histoire // The Natural Interest, été 1989, p. 18.

mardi, 09 avril 2024

Magie arthurienne

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Magie arthurienne

Fernando Galván

Source: https://melmothlibros02.blogspot.com/2024/04/la-magia-arturica.html

Le monde arthurien est étroitement lié à la fantaisie et à la magie du Moyen Âge. Il suffit d'évoquer le nom d'Arthur et de ses célèbres chevaliers pour que surgissent immédiatement à l'esprit les figures mythiques du magicien Merlin, de la fée ou de la sorcière Morgane, ou des objets magiques - aux pouvoirs extraordinaires - comme le Graal, ou l'épée Excalibur, ou encore des lieux dotés d'un important halo mythique et magique, comme Camelot, Avalon, la Forêt Stérile, la Chapelle Dangereuse, etc.

On pourrait citer des dizaines de motifs bien connus qui apparaissent partout au Moyen Âge et qui survivent encore dans les réécritures et les adaptations des récits arthuriens.

410qT-xBSOL._AC_UF1000,1000_QL80_.jpgIl suffit de consulter un ouvrage aussi bien documenté que El Rey Arturo y su mundo. Diccionario de mitología artúrica (=Le Roi Arthur et son monde - Dictionnaire de la mythologie arthurienne (1)) de Carlos Alvar, pour constater la richesse magique et mythologique sous-jacente.

Dans le prologue de cet ouvrage, il est fait référence à l'Histoire de Lancelot du Lac comme noyau central des récits arthuriens, car elle contient la plupart des thèmes qui sont répétés et modifiés ailleurs.

Mais dans ce même récit sur Lancelot, étant donné sa longueur singulière, nous trouvons également ce que l'on peut observer dans d'autres récits en vers et en prose dans les différentes langues européennes médiévales.

C'est-à-dire que les personnages, les incidents, les objets et les lieux de ce monde fictif ne conservent pas une identité concrète et fixe, mais changent constamment, modifient leur nature et se transforment, comme par magie, en de multiples versions.

Le dictionnaire d'Alvar est irremplaçable, dans notre langue espagnole, pour trouver les clés de tant de transformations, des changements de physionomie et de noms adoptés par les centaines de personnages et d'incidents du monde arthurien.

Parfois, on croit percevoir dans tel ou tel élément narratif la trace de l'antiquité classique, d'autres fois celle du monde celtique primitif - d'où proviennent certainement beaucoup des légendes qui ont façonné le monde du roi Arthur - ; et à d'autres occasions, la présence du christianisme est indiscutable, qui - comme à d'autres époques - s'est efforcé au Moyen Âge d'adapter les fantaisies et les mythes païens à la doctrine de l'Église.

Il n'est donc pas facile de résumer la très longue liste d'événements magiques qui abondent dans tant de textes médiévaux.

Il existe des livres et des articles bien connus sur chacun des éléments importants liés à la magie et à la fantaisie. Citons, par exemple, les ouvrages prestigieux de R. S. Loomis, l'encyclopédie monumentale de N. J. Lacy et d'autres, les études de Geoffrey Ashe, William Albert Nitze et Nikolai Tolstoy.

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Mentionnons également les livres de Carlos García Gual sur les légendes arthuriennes.

Pour ne pas me perdre dans le labyrinthe des détails magiques qui affectent le cycle arthurien, je préfère me concentrer sur une tentative d'explication de certaines des raisons de cette magie et de ses relations avec la science, la religion et l'histoire, et commenter brièvement les effets de cette magie au Moyen Âge et même à une époque ultérieure, car les résultats de la magie arthurienne dépassent largement les frontières du quinzième siècle.

Le monde de la fantaisie, du merveilleux, n'a pas eu la même importance dans d'autres périodes historiques.

Ann Swinfen, dans son livre Defence of Fantasy, qui étudie le roman fantastique contemporain, affirme ce qui suit :

L'un des aspects les plus difficiles de l'étude critique du roman fantastique résulte peut-être de l'attitude de la plupart des critiques contemporains, une attitude qui suggère que le mode d'écriture dit "réaliste" est en quelque sorte plus profond, plus engagé moralement, plus directement lié aux préoccupations humaines "réelles" qu'un mode d'écriture qui fait appel au merveilleux.

La raison pour laquelle je défends le fantastique est que c'est loin d'être le cas. Pour clarifier cette question, nous pouvons peut-être nous rappeler que ce que nous considérons aujourd'hui comme le monde "réel" - c'est-à-dire le monde de l'expérience empirique - a été considéré pendant de nombreux siècles comme le monde des "apparences". Pour nos ancêtres, plus enclins que nous par conviction et par apprentissage à chercher la réalité au-delà du monde matériel, ce qui était définitivement réel résidait dans les autres mondes spirituels. C'est sur la réalité de ces autres mondes que porte, dans une large mesure, la fantaisie".

En effet, au Moyen Âge, le surnaturel, la magie, n'était pas nécessairement une fantaisie irréelle, ni ne devait nécessairement s'opposer au concept de science, mais c'était souvent un moyen didactique de transmettre une connaissance profonde de la réalité, non accessible à un niveau empirique, et qui pouvait donc être présentée à travers des paradoxes et des contradictions avec les apparences du monde réel. 

Fernando Galván : MAGIE ARTHURIENNE

  • Carlos Alvar, El Rey Arturo y su mundo. Diccionario de mitología artúrica, Madrid, Alianza Editorial, 1991.

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lundi, 08 avril 2024

La fonction religieuse et astronomique des monuments mégalithiques

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La fonction religieuse et astronomique des monuments mégalithiques

Mario Alinei & Francesco Benozzo

Source: https://melmothlibros02.blogspot.com/2024/04/la-funcion-religiosa-y-astronomica-de.html

La fonction astronomique des mégalithes, en particulier en relation avec leur fonction religieuse, est peut-être leur aspect le plus fascinant.

Niée avec obstination par les spécialistes jusqu'à récemment, elle est aujourd'hui universellement acceptée, après qu'Atkinson [1979] l'a clairement démontrée pour Stonehenge. Par la suite, cette fonction a été vérifiée pour les autres monuments.

Comme le dit Cunliffe (2001), même si "une partie de ce qui a été écrit est complètement fallacieux et une autre partie n'est pas prouvée, il reste un fait indiscutable que plusieurs de nos tombes mégalithiques les plus impressionnantes ont été conçues avec une immense habileté pour se rapporter précisément à d'importants événements solaires ou lunaires".

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Il suffit de rappeler, parmi les exemples les plus connus, que la tombe irlandaise de Knowth (ci-dessus) a une orientation équinoxiale, associée au début de la saison des semailles et des récoltes.

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Newgrange (ci-dessus), situé à peu de distance de Knowth, est l'un des cas les plus illustratifs. Il s'agit d'un sanctuaire mégalithique, daté entre 2475 et 2465 avant J.-C., qui consiste en une tombe à couloir.

La tombe a été construite de telle sorte que la ligne du couloir ou du passage d'accès à la chambre centrale était orientée vers le point de l'horizon où le soleil se lève le 21 décembre, le jour du solstice d'hiver le plus court de l'année (en termes religieux modernes, le jour de Noël).

La fonction à la fois scientifique et religieuse du monument est ici évidente. Le solstice, que le monument "capture" avec une précision absolue, marque à la fois la fin du principal cycle annuel de la nature, le cycle agricole, et l'aube d'un nouveau cycle : la nuit de la Saint-Sylvestre.

De plus, la lumière du soleil solsticial tombant sur le tombeau au centre du monument, il est clair que la résurrection du soleil devait impliquer celle des morts et assurer la même renaissance à tous les vivants, héritiers ou sujets de l'enseveli.

L'importance de ces observations pour l'interprétation des mégalithes est énorme, car elle permet de comprendre le lien entre la résurrection du soleil et la résurrection des morts. Plus généralement, la fonction du monument était à la fois scientifique, funéraire et magico-religieuse.

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Les fouilles récentes ont également montré que les alignements, c'est-à-dire les rangées simples ou multiples de pierres placées les unes à côté des autres (très répandus en Bretagne) ont probablement une fonction mixte, rituelle et astronomique (cette dernière étant liée aux collines environnantes).

Les études menées au cours des vingt dernières années ont fourni des preuves statistiques impressionnantes que les bâtisseurs de mégalithes et les communautés mégalithiques observaient constamment le cycle de la lune.

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Un exemple emblématique est Le Grand Menhir Brisé en Bretagne, aujourd'hui interprété comme le plus grand observatoire lunaire de l'Europe néolithique.

MARIO ALINEI - FRANCESCO BENOZZO : Origines des mégalithes européens

Rationnement numérique

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Rationnement numérique

par Georges FELTIN-TRACOL

De 2014 à 2017, Najat Vallaud-Belkacem occupa le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche sous la présidence du calamiteux François « Flamby » Hollande. Sous sa direction catastrophique, la bureaucratie pédagogiste déconstruisit encore plus les programmes de français, de mathématiques et d’histoire – géographie, et introduisit sans grand succès immédiat le gendérisme. Contre la bonne vieille notation sur dix ou sur vingt, elle encouragea une « évaluation » positive, simpliste et compréhensible par tous, censée valoriser les progrès de l’élève et qui accompagne ses initiatives superficielles.

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En militante socialiste zélée, elle avait auparavant exprimé son envie d’accorder aux élections locales le droit de vote des étrangers présents en France depuis au moins cinq ans. Battue aux élections législatives en 2017, elle se retire de la vie politique politicienne. Dès 2019, l’éditeur Fayard l’engage pour animer la collection « Raison de plus ». Elle organise en parallèle à Sciences-Po Paris, ce guêpier wokiste, un plan en faveur de l’égalité femmes – hommes dans les politiques publiques. En 2020, elle devient la directrice de la branche française de l’ONG One. Fondée par le chanteur Bono du groupe U2, cette association lutte contre l’extrême pauvreté et les maladies infectieuses en Afrique. En 2022, elle prend enfin la présidence de l’ONG France Terre d’Asile, une officine subventionnée qui contribue à la subversion migratoire et au grand remplacement démographique.

C’est à ce double titre qu’elle publie une tribune parue le 18 mars 2024 « Libérons-nous des écrans, rationnons Internet ! ». S’agit-il d’un texte politique ? Oui ! En 2021, elle entre au conseil régional Auvergne – Rhône-Alpes dans lequel elle dirige le groupe Socialistes, écologistes et démocrates. Pourquoi ne mentionne-t-elle pas son mandat politique ? En aurait-elle honte ou bien le cacherait-elle ?

Sa contribution critique l’usage d’Internet qui « est moins souvent une solution qu’un facteur aggravant ». Toutefois, ne rêvons pas ! L’autrice n’a pas rallié les néo-luddites et semble toujours méconnaître les essais de Jacques Ellul, de Bernard Charbonneau et d’Ivan Illich. Elle affirme qu’« il y a une urgence numérique comme il y a une urgence climatique. Elle ne consiste pas à envoyer dans l’espace des satellites supplémentaires, mais à débrancher la prise, à éteindre nos écrans et à commencer à revivre, enfin ». Relevons que, pour elle, l’urgence migratoire n’existe pas…

Ainsi envisage-t-elle « une action politique d’ampleur, dont les conséquences seront bénéfiques à bien des niveaux : en terme de développement cognitif, pour la santé, mais aussi pour lutter contre les discriminations, le harcèlement, le réchauffement climatique », etc. Elle souhaite aussi que « la contrainte vienne d’ailleurs : donc de la loi, donc de l’État ». Quelle serait cette action contraignante majeure ? Najat Vallaud-Belkacem propose « de rationner internet, par exemple en accordant un nombre limité de gigas à utiliser quotidiennement ». Elle met « giga » au pluriel comme s’il s’agissait d’une unité de mesure quelconque alors que l’usage correct serait d’écrire « giga-octets ». Cette putophobe revendiquée qui a fait adopter une sinistre loi misandrique pénalisant les clients des prostituées n’aurait certainement pas mentionné des... « méga-bits » !

Pour elle, « une telle mesure est profondément progressiste: parce qu’elle permet concrètement de faire face à l‘une des grandes sources de pollution – le numérique; parce qu’elle favorise la lutte contre le cyberharcèlement et les violences et les discriminations en ligne ». Pourquoi ? « Si nous savons que nous n’avons que trois gigas à utiliser sur une semaine, nous n’allons sans doute pas les passer à mettre des commentaires haineux ou fabriquer des fakes. » L’usager désormais limité ne consulterait plus les sites pornographiques ou des vidéos en ultra haute-définition. Raisonnement spécieux ! En pratique, ce sera surtout une censure préventive à l’encontre des sites non conformes de ré-information. L’accès à Radio Méridien Zéro deviendrait peut-être plus difficile.

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Paraphrasant le théoricien de la « sobriété heureuse », Pierre Rabhi, l’ancienne ministresse se félicite que « la rareté oblige à une certaine sagesse ». Elle réclame même le retour du papier, du stylo et des crayons ! Elle sait que les écoles de la Silicon Valley ont abandonné maint équipement informatique au profit de ces outils classiques... Un lecteur décroissant assidu de Serge Latouche pourrait s’en réjouir si Najat Vallaud-Belkacem, à l’époque en fonction rue de Grenelle, n’avait pas signé en 2015 un partenariat avec la multinationale Microsoft. Elle somma en outre de distribuer à tous les élèves une tablette qui fonctionne rarement. Elle insista pour que toutes les disciplines organisent des séances en salle informatique. N’assiste-t-on pas là à un arroseur arrosé 2.0?

Membre de tous les gouvernements de Hollande, elle fut solidaire de son bilan. N’est-ce pas sous ce quinquennat déplorable que s’accéléra la dématérialisation des services publics ? Sauf cas vraiment exceptionnel, tous les contribuables français doivent désormais faire leur déclaration fiscale en ligne. Ce temps serait-il comptabilisé dans l’hypothétique rationnement numérique ? Et comment se débrouiller dans ce cadre restrictif avec Parcoursup ou la prise de rendez-vous médical en ligne ? L’actuelle titulaire à l’Éducation nationale, Nicole Belloubet, vient de suspendre la messagerie interne de l’espace numérique de travail des collégiens et des lycéens à la suite de piratages commis par des terroristes ou des mauvais plaisantins. Élèves, enseignants, parents d’élèves et personnels de direction se retrouvent en partie démunis, preuve que la numérisation du monde scolaire s’ancre dorénavant profondément.

En excellente socialiste, Najat Vallaud-Belkacem propose d’interdire, de réglementer, de brimer, de contrôler, de pénaliser et de punir des comportements privés. En effet, ce possible contingentement serait un indéniable empiétement du domaine public sur la dimension privée. Une nouvelle fois, la distinction entre le privé et le public s’estompe dangereusement. Or comment pourrait-on rationner Internet alors que les autorités publiques peinent déjà à éliminer les points de deal ? Faut-il imaginer que tous les appareils informatiques intègrent un mouchard obligatoire ? Les données personnelles ne risquent-elles pas d’être aspirées et détournées par des États soumis aux transnationales mondialistes (les GAFAM, par exemple) ?

Dans une tribune collective parue dans Le Monde du 18 janvier 2024, « Agissons enfin contre les pédocriminels en ligne ! » signée, entre autres, par Laurence Rossignol, sénatrice socialiste du Val-de-Marne, et Ursula Le Menn, d’Osez le féminisme, soutient le règlement dit européen qui « impose aux plates-formes de détecter, signaler et supprimer les vidéos des crimes sexuels sur mineurs ». Cette tribune réclame « l’adoption du texte initial, avec une détection systématique jusque dans les messageries privées ». Derrière les bonnes et louables intentions affichées se cachent des dispositions liberticides préoccupantes. Les satrapes du premier tiers du 21ème siècle se féminisent… La demande de Najat Vallaud-Belkacem ne résout pas l’emprise effrayante de la cybertechnique, en particulier les réseaux dits sociaux, tant sur les adolescents que sur les adultes. Il se profile au-delà de cette exigence une menace considérable bien pire : le crédit carbone individuel quotidien. Au moyen d’un puçage obligatoire, la moindre action, le moindre achat serait décompté d’un certain nombre de points carbone personnels. L’esclavage numérique atteindrait son acmé !

Najat Vallaud-Belkacem conclut son intervention seulement mise en ligne sur – ô paradoxe ! - le site du Figaro en confirmant que « c’est bien l‘écran qu’il nous faut éteindre ». Oui, mais pas seulement, Madame la conseillère régionale d’Auvergne – Rhône-Alpes. Ce sont toutes les Lumières de la Modernité, vos chères Lumières, qu’il importe de souffler… définitivement.

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 109, mise en ligne le 2 avril 2024 sur Radio Méridien Zéro.

Communisme et communautarisme

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Communisme et communautarisme

Carlos X. Blanco

Le communautarisme de Costanzo Preve se démarque de tout mouvement intellectuel nostalgique qui cherche à retourner à la communauté organique vierge. Le philosophe italien la présente comme une sorte de déduction sociale de catégories socio-ontologiques. Elle naît de « la détection des contradictions dégénératives du monde moderne et de la même réflexion autocritique radicale sur la même expérience du communisme historique » (De la Comuna a la Comunidad, Fides, Tarragone, 2019, p. 126; édition par Carlos X. Blanco, désormais les citations en sont tirées).

Cela n’a aucun sens de parler d’une opposition abstraite entre l’individu et la société. Les deux pôles sont des « concepts conjugués » au sens de Gustavo Bueno: des paires de concepts qui naissent ensemble mais qui s'entrelacent et s'opposent tout au long de leur développement historique, avec lesquels nous nous retrouvons dans une situation où non seulement l'un exige de l'autre, et vice-versa, mais les deux concepts co-déterminent et influencent le développement réciproque. Il n’y a jamais eu d’individu sans société ni de société sans individu mais, par ailleurs, le rôle que joue chacun des pôles pour son opposé/complémentaire est le résultat d’une évolution, une évolution qui forme le contexte environnant de déterminations réciproques.

L'individu est le fruit de la société (trouver un partenaire, procréer de nouveaux individus, fermer un couple et un environnement familial aux étrangers, etc.) et les actes sociaux sont des actes dans lesquels se forment des communautés et des individus, co-déterminant les deux extrêmes, l'individualité et le groupe communautaire. L’« individu » n’est pas le même à Rome, au Moyen Âge ou dans le capitalisme: précisément l’individu moderne différencié est le résultat de conditions socio-économiques et historiques très spécifiques. L’individu véritablement différencié est le résultat d’un processus graduel, d’un développement qui coïncide avec la « société bourgeoise » et, par conséquent, la fin de cette même société bourgeoise (et non la fin du capitalisme) peut signifier la fin de l’individu différencié.

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Le magnum opus de Spengler, Le déclin de l'Occident, est le lieu où nous pouvons en apprendre davantage sur cette profonde transformation de l'Europe et des pays qui ont hérité de sa culture: la conversion de sociétés d'individus différenciés en sociétés de « fourmis ». Dans des cages de ciment, de béton et de verre, sont enfermés des millions d'êtres humains, détachés de toute parcelle et de tout flux de tradition et de sang, des hommes froids et sans « caste », très semblables les uns aux autres, absolument interchangeables, produits après d'innombrables mélanges somatiques et spirituel. Le capitalisme tardif considère l’individu de « caste », quelle que soit sa race, comme un obstacle et un ennemi. Le capitalisme cosmopolite nourrit la décadence sociale et produit des fourmilières humaines; il est l’ennemi de la personnalité individuelle. Seul le communisme – la seule solution rationnelle au post-capitalisme – peut signifier le retour de la personnalité individuelle.

L'accumulation capitaliste est destructrice. Cela dissout non seulement la communauté humaine mais le concept même d’individu (p. 129). La création de poches et de bastions communautaires, ainsi que la fortification de ceux qui existent et qui survivent, constituent un défi à l’accumulation capitaliste et une plate-forme pour un avenir communiste. C’est ramer et nager à contre-courant: le courant néolibéral qui, à partir du protestantisme ultra-individualiste, détruit l’individu, doit être contrebalancé et vaincu par le communautarisme.

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La proposition de Costanzo Preve est extrêmement innovante et provocatrice: éliminons chez Marx la lecture « futuriste » de son œuvre et plaidons pour une interprétation « traditionaliste ». Selon l’auteur italien « Marx est un épisode d’une tradition (…) née en Grèce (…) qui s’oppose de manière cyclique aux tendances dissolvantes et destructrices de l’accumulation anomique des richesses individuelles… » (p. 169). Et aujourd’hui, alors que nous approchons du premier tiers du 21ème siècle, cette tendance anomique et atomiste est de plus en plus forte. Nous vivons une vague d’intense atomisation et de centrifugation sociale. Les deux classes sociales appelées à la lutte « motrice » qui pousse l’Histoire (bourgeoisie et prolétariat) s’effondrent. Le prolétariat d’Occident s’est affaibli, et la gauche est allée chercher des poches de population « offensées » pour des raisons partielles ou identitaires afin de capter des voix, et refaire « le sujet anticapitaliste ». Mais ces poches d’« offensés » sont des minorités qui, même si elles peuvent parfois être marginalisées, discriminées, etc., prises comme des catégories abstraites, finissent, quand les choses évoluent, en groupes parfaitement intégrés au système capitaliste: loin de rejeter le système, les groupes LGTBIQ+, les groupes d'immigrés, les régionalistes et les nationalistes fractionnaires, les écoféministes , etc., ont tendance à chercher un bon ancrage dans le système, et même à le renforcer, pour peu qu'ils reçoivent (au moins en partie) un traitement privilégié. La vraie gauche doit commencer à comprendre que les causes partielles et identitaires n’ont rien à voir avec la lutte anticapitaliste. La vraie gauche doit s’éloigner définitivement de « l’identitarisme » car sa logique interne coïncide et fonctionne avec la dynamique du mode de production capitaliste. Ce régime, comme ceux qui l'ont précédé, tend à ségréguer les classes privilégiées qui, en échange de servir loyalement les services du capital, détournent une partie de la population de l'exploitation pure et simple, et la placent dans une situation privilégiée grâce à certaines miettes de pouvoir, la plus-value extraite.

Mais non seulement la classe ouvrière disparaît face à ces « nouveaux collectifs » identitaires qui usurpent les fonctions de la classe ouvrière, devenant en réalité des serviteurs du Capital, mais la bourgeoisie disparaît également. Comme l’écrit Preve, le capitalisme « a licencié » la bourgeoisie, sans même la remercier pour les services rendus. La bourgeoisie, comme le dit le Manifeste du Parti Communiste, a démoli toutes les frontières et tous les murs – ceux de l’Ancien Régime, avec ses résidus féodaux, et les murs des cultures exotiques, c’est-à-dire extra-européennes. De même, la bourgeoisie historique a franchi le Rubicon de la science et de l’innovation technologique. Sous et autour d’elle s’étaient créées diverses couches de classes moyennes qui garantissaient le recrutement efficace d’ingénieurs, de professeurs, de chefs d’entreprise, de professionnels libéraux, etc. qui, sans remettre en cause le régime capitaliste, l'a soutenu. Ils ont garanti la reproduction de ce qu’on appelle aujourd’hui le « capital humain » ou « capital cognitif » et ont multiplié les emplois bien rémunérés qui, à mesure qu’ils se développent, donnent une apparence de capitalisme mésocratique, toujours plus stable et apaisé. Mais si la bourgeoisie disparaît aujourd'hui, ces emplois et groupes mésocratiques disparaissent aussi et la dualisation de la société se fait encore plus féroce et dangereuse: en haut, nous avons une super-élite chaque fois plus réduite en nolmbre et éloignée du reste, non seulement de la nation mais de la réalité. En bas, une masse indifférenciée de précaires et de sous-prolétaires .

Dans cette situation, la gauche postmoderne développe de fausses idéologies – de la plus fausse conscience – malhonnêtes et insensées: abolition du travail, répartition du travail, revenu de base, salaire universel à vie… Nourrir le vice de la paresse, un vice antimarxiste, partout où il y en a - et les rêves de l'adolescence (passer sa vie à ne rien faire, mais avoir de l'argent pour ses vices et ses caprices), la tristement célèbre gauche de la postmodernité (ou du capitalisme tardif) ne fait rien d'autre que de produire les produits les plus idéologiques appropriés à la phase actuelle de l'évolution tardive du capitalisme: habituer les masses à une existence misérable, inactive, improductive et simplement consumériste.

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La société que crée le turbo-capitalisme est une non-société: anomique, individualiste et, comme le dit Preve, sujette à l'extorsion fiscale, à la précarité de l'emploi, au nomadisme forcé (mobilité géographique pour des raisons professionnelles) et destructrice de la famille. Avec les mêmes titres avec lesquels on l'appelle « post-bourgeois », on peut aussi l'appeler « post-prolétarien ».

Preve est le philosophe marxiste idéal pour s’habituer aux temps difficiles à venir. En Occident, au moins, nous nous étions habitués à un travail stable et durable, à une famille stable (famille monogame, hétérosexuelle à vocation procréatrice), et sur cette base, à un État doté d'une certaine homogénéité ou de bon voisinage ethnique, garant de services publics d'une certaine qualité, avec des matelas qui atténuent les chutes ou les rechutes dans la pauvreté, etc. Eh bien, tout cela est parti. Depuis mai 1968, la gauche « radicale » ridiculise un monde bourgeois lié à un système économique, mais la critique des années 60 , qui inclut des développements structuralistes et autres développements non marxistes (Foucault, etc.), s'en est prise à la bourgeoisie en elle-même, et non à la bourgeoisie en tant que système injuste, irrationnel et exploiteur qui jusqu’alors pilotait la bourgeoisie.

Mais maintenant, en plus, la super-élite a expulsé la bourgeoisie ou l'a soumise, l'a placée sous sa domination, et le prolétariat a été désorganisé, réduit ou a été recruté dans des contingents qui se trouvent à l'étranger, très loin (délocalisation) ou a été importé en masse via les taxis cayuco, les « papiers pour tous » (réglementation massive) et d’autres techniques visant à promouvoir une migration massive visant à détruire le marché du travail national.

Mais une chose doit être claire. Si aujourd’hui le prolétariat ne peut pas être la classe véritablement révolutionnaire en Occident, il ne pouvait pas non plus l’être à l’époque de Marx. Jamais. La « mythologie du prolétariat » est, pour Preve, une irrationalité du mouvement communiste que le père fondateur lui-même, Marx, a alimenté:

« Le communisme continue de gérer le mythe sociologique du prolétariat comme seule classe « véritablement » révolutionnaire, un mythe philosophique de la fin de l’histoire (évidente sécularisation positiviste d’une religion messianique antérieure), une contrainte stupide à l’abolition de la religion, de la famille et de l'État, résultat d'une avant-garde extrêmement dépassée, d'une tendance incontinente à réglementer la liberté d'expression humaine de manière bureaucratique, d'un progressisme inertiel qui manque désormais de justification historique et, surtout, d'une conception collectiviste de la société" (p. 110).

La proposition précédente , comme on le sait, consiste à insérer le communisme dans une philosophie communautaire, ce qui implique de dissiper les nuages sombres qui ont éclipsé Marx (dans la vie) et, bien pire encore, le marxisme (c'est-à-dire post mortem). Le meilleur de la pensée de Marx consiste en une continuation de la pensée aristotélicienne: l'homme est par nature un animal politique; ainsi que de l'idéalisme allemand: l'homme est action, praxis transformatrice. Un régime de production qui l’annule, qui le castre, le rendant incapable de transformer le monde… est un régime qui doit à son tour être transformé (par des moyens révolutionnaires). Et il faut qu’il en soit ainsi avant qu’il ne soit trop tard.

 

dimanche, 07 avril 2024

Pétrole, hausse des prix et nouvelles stratégies en Afrique

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Pétrole, hausse des prix et nouvelles stratégies en Afrique

Ala de Granha

Source: https://electomagazine.it/petrolio-prezzi-in-risalita-e-nuove-strategie-in-africa/

Les vacances d'été ne sont pas encore là mais le prix du pétrole augmente déjà et les automobilistes italiens risquent d'en payer les conséquences. Certes, les craintes liées à la sacro-sainte réaction de Téhéran au bombardement israélien de l'ambassade d'Iran en Syrie pèsent lourd. Mais elles pèsent surtout sur les nombreux changements qui interviennent sur le marché pétrolier. Des changements qui n'affectent pas les désinformateurs italiens, mais qui affectent les marchés.

La Russie, tout d'abord, n'a aucun problème à encaisser les paiements indiens pour les livraisons de pétrole. Contrairement à ce qu'affirment les médias italiens. Et les livraisons à la Chine se maintiennent à des niveaux record. À cela s'ajoutent les livraisons à la Corée du Nord. Or Moscou a décidé, en accord avec l'Opep+, de réduire sa production pour faire remonter les prix.

Mais la nouvelle concerne aussi l'Afrique. Le Sénégal, après l'élection du président Faye et la nomination du premier ministre Ousmane Sonko, a décidé de revoir ses contrats pétroliers existants. Et ce n'est certainement pas au profit des pays européens.

Puis ce fut le tour du Nigeria. Premier producteur de pétrole en Afrique, ce pays doit importer de l'essence et du diesel d'Europe en raison d'un manque de raffineries. Cette semaine, cependant, la raffinerie Dangote a commencé à fournir du carburant au marché intérieur. Une fois pleinement opérationnelle, cette raffinerie sera la plus grande de toute l'Afrique et, en perspective, pourrait non seulement couvrir les besoins du Nigeria, mais aussi exporter du carburant vers l'Europe. Les marges des raffineries du Vieux Continent s'en trouveraient ainsi réduites.

Entre-temps, l'Europe sanctionneuse a augmenté les importations de gaz liquéfié russe de près de 100%, pour atteindre 15% du total après être tombées à 8,7 %. D'un autre côté, les effets négatifs sur l'environnement ont également augmenté, à la fois en raison du transport par bateau au lieu du gazoduc et des coûts énergétiques de la liquéfaction et de la regazéification. Mais c'est là le génie de l'Europe verte et démocratique.

23:29 Publié dans Actualité, Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pétrole, hydrocarbures, afrique, économie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

samedi, 06 avril 2024

La guerre des banquiers contre la Chine

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La guerre des banquiers contre la Chine

Markku Siira

Source: https://markkusiira.com/2024/04/04/pankkiirien-sota-kiinaa-vastaan/

Alors que débute l'année du dragon, "l'empire anglo-sioniste lance sa guerre contre la Chine", estime Richard H. Solomon. Jusqu'à présent, la Chine a fait preuve "d'une humilité et d'une retenue incroyables, ne réagissant que très peu aux insultes et provocations scandaleuses de l'administration néoconservatrice américaine".

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Les citoyens européens n'ont pas à prendre parti par réflexe dans ce combat de titans, mais ils ne doivent pas non plus défendre les intérêts de politique étrangère des États-Unis et de leur troupeau de vassaux. La Chine est une superpuissance dirigée par le parti communiste, et alors ? Nous devons regarder au-delà des ismes et des mots et évaluer les actes.

Il n'y a plus d'"Amérique" libre ni d'États-nations européens indépendants. Le soi-disant "Occident" n'est rien d'autre qu'une "coalition de cartels financiers, de multinationales, d'oligarques, du complexe militaro-industriel, de l'État profond et du lobby sioniste", dont les jours de gloire sont (heureusement) révolus.

"Comme tous les empires pathologiquement corrompus en phase finale, l'Occident dément rêve de renouveau", constate Solomon. Ses sujets ne peuvent qu'"essayer d'éviter d'être submergés par les raz-de-marée d'un géant en train de sombrer".

Les survivants de la destruction de l'Occident peuvent se regrouper et "adopter le principe de la coprospérité, avec la Chine comme principal acteur mondial, éclairant le chemin de l'humanité vers une civilisation Star Trek de type deux sur l'échelle Kardashian".

La Chine s'est efforcée de rester en dehors du conflit, mais à un moment donné, Pékin devra peut-être riposter lorsque les provocations "biologiques, économiques et militaires" de Washington et de Londres iront trop loin et dépasseront même la tolérance confucéenne. Sur la base des actions américaines, l'agression ne fera que s'intensifier.

Selon Solomon, la bonne dissuasion pour la Chine consisterait à mettre sa "propre peau dans le jeu". Les cosmopolites sans racines de la puissance monétaire occidentale ne sont pas seulement des parasites de la société et des profiteurs aux dépens des autres, mais aussi des lâches matérialistes qui ne veulent pas mourir.

Alors qu'ils peuvent condamner à mort des millions ou des milliards de personnes simplement pour leurs propres intérêts égoïstes, la superclasse dirigeante est prête à tout pour maintenir sa propre existence. "Les services de renseignement chinois devraient localiser tous leurs bunkers et villes souterraines et faire savoir que si une guerre majeure éclate, la Chine les frappera", conclut M. Solomon.

Les cercles financiers de Wall Street ont autrefois délocalisé l'industrie manufacturière américaine en Chine, afin de transformer l'Amérique en une économie fondée sur l'usure, en vendant de la dette dans l'espoir que la Chine achèterait cette dette et laisserait les initiés de Wall Street contrôler également l'économie chinoise.

Ce modèle économique était connu sous le nom de "Chimerica". Bien que la Chine ait initialement bénéficié de cet arrangement, Solomon affirme que Pékin a rejeté une relation symbiotique dans laquelle "la classe sans racines de Wall Street prendrait le contrôle de la civilisation chinoise vieille de cinq mille ans après avoir vidé les États-Unis de leur substance".

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Néanmoins, certains affirment que toute la confrontation Est-Ouest n'est que du théâtre Kabuki et que la Chine serait déjà sous le contrôle du cartel bancaire Rothschild et Rockefeller (c'est-à-dire les propriétaires de la planète). Solomon n'est pas d'accord.

Le "techno-féodalisme" idéalisé par les esclavagistes occidentaux exige non seulement la destruction des différentes cultures, mais aussi la transformation génétique de la classe dirigeante. Selon le protocole transhumaniste de la clique de Davos, les dirigeants chinois devraient être prêts à détruire la culture et l'ADN de leur peuple, vieux de cinq mille ans.

Solomon ne croit pas que les dirigeants chinois soient prêts à une telle chose. "Si certaines des innovations technologiques chinoises sont liées à la sécurité nationale, la technologie est principalement utilisée pour améliorer la vie des citoyens chinois, ce qui est tout à fait contraire à la politique américaine.

Un "avenir chinois" après l'hégémonie américaine serait plus prometteur que l'ancien régime, affirme Solomon, ne serait-ce que parce que la Chine "n'a jamais mené dans son histoire une politique d'agression militaire ou de conquête en dehors de son propre territoire". La Chine "a même construit un mur pour empêcher les barbares d'entrer".

Solomon souligne que la coopération de la Chine avec les puissances étrangères est basée sur une transaction, une interaction mutuellement bénéfique dans laquelle des services ou des biens sont échangés. Contrairement à l'Occident et à son libéralisme, la Chine ne cherche pas à mettre le monde entier à son image.

Qu'en est-il de la pandémie des taux d'intérêt, dont on dit qu'elle a commencé en Chine ? La Chine n'a pas suivi la technologie ARNm de l'Occident, mais a offert à ses citoyens des vaccins traditionnels. "Bien que certains fonctionnaires chinois pro-occidentaux aient insisté sur les livraisons d'ARNm de Pfizer et sur la production nationale d'ARNm, le parti communiste a résisté à la pression de la classe politique américaine", explique Solomon.

Le parti communiste a peut-être réagi de manière excessive en adoptant une stratégie extrêmement rigoureuse, mais selon Solomon, c'est parce que la Chine était confrontée à une attaque biologique. Pour des "événements futurs" similaires, il conseille également aux Occidentaux de s'appuyer sur "le zinc, les vitamines C et D et la médecine traditionnelle chinoise".

Du point de vue de Solomon, la Chine reste "le principal rempart contre les envahisseurs de l'empire anglo-sioniste américain et les sous-fifres de leur mafia financière mondiale".

Étant donné "le pouvoir monstrueux des banquiers internationaux, l'empereur président Xi doit jongler avec un enchevêtrement complexe de neutres, d'alliés et d'adversaires pour mener la Chine à la victoire, ce qui, dans un sens plus large, signifie la survie de l'espèce humaine". Solomon considère que Xi défend "les principes fondamentaux du Tao".

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J'espère que Solomon a raison, même si je suis souvent frustré par les actions (ou l'inaction) des grandes puissances et les machinations des cercles financiers qui se cachent derrière la gouvernance mondiale. Quelle que soit la vérité ultime, nous vivons une époque dangereuse mais intéressante, dans des limbes précaires entre le nouvel et l'ancien ordre mondial.

Selon le philosophe Oswald Spengler, l'Occident est déjà condamné. "Le génie occidental a fait passer le monde des chevaux et des chars à la société industrielle moderne. Il en a résulté de nombreuses créations incroyables, mais aussi beaucoup de souffrance et de mort", résume Solomon. C'est pourquoi il souhaite suivre "l'évolution de la Chine vers l'autoréalisation nationale".

Mais Solomon est (trop ?) optimiste et ne peut s'empêcher d'avoir une pensée pour l'Occident. "Si la philosophie occidentale intègre les principes de la loi du karma pour établir un équilibre yin-yang et que l'Europe rejoint la Chine et la Russie dans une alliance eurasienne, je crois que le rétablissement et la réintégration positive de l'Occident dans la famille mondiale sont encore possibles.

Gentile toujours actuel. Quatre-vingts ans après sa mort tragique 

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Gentile toujours actuel. Quatre-vingts ans après sa mort tragique 

par Pierfranco Bruni

Source: https://www.destra.it/home/attualita-di-gentile-a-ottantanni-dalla-tragica-morte/

Quatre-vingts ans se sont écoulés depuis l'assassinat de Giovanni Gentile. Le philosophe qui fut ministre de l'éducation et qui a porté l'humanisme au centre de l'existence. La politique n'est pas une simple pensée. Ce n'est pas seulement une idée. C'est une valeur. En tant que telle, anthropologiquement, elle place au centre la dimension d'un humanisme de la culture, dans lequel le concept de Raison n'a de sens que s'il interagit avec la vision historique de la Tradition.

Je parle de la Tradition, qui compte constamment avec une Mémoire qui interagit avec l'Identité non pas d'un pays, mais d'une Nation. Attention: Nation et nationalisme sont deux termes complètement différents, voire divergents. La Nation est l'héritage d'une civilisation philosophique et ontologique. Un sens et un signifiant qui pourraient également être considérés comme une voie phénoménologique au-delà de Hegel lui-même. Et il est certain que dans la politique tout court, il y a des philosophies qui dialoguent avec une culture qui a une voie métaphysique ou la métaphysique comme principe directeur.

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Nous reparlerons de Giovanni Gentile. Au-delà de la pensée unique et dans le cadre d'un humanisme puisé chez Vico qui place l'homme et la spiritualité au centre, dans lequel l'homme n'est pas seulement Raison mais patrimoine religieux. Et en tant que telles, les "raisons" historiques sont éloignées de l'économie matérialisée en tant que "chose" ou en tant que praxis. La signification du terme "chose" n'a jamais été expliquée. Il ne fait pas partie intégrante de la philosophie historique dite idéaliste, et encore moins d'une philosophie métaphysique au-delà de la modernité. Dans une dimension de la pensée contemporaine, Gentile reste un point de référence. Il est le philosophe ! Le philosophe de l'immanence. Giovanni Gentile est né à Castelvetrano le 30 mai 1875 et est mort assassiné à Florence le 15 avril 1944.

Parmi ses œuvres, je ne citerai que la suivante : "La réforme de la dialectique hégélienne", "La philosophie de la guerre", "Théorie générale de l'esprit comme acte pur", "Les fondements de la philosophie du droit", "Système de logique comme théorie de la connaissance", "Guerre et foi", "Après la victoire", "Discours sur la religion", "Le modernisme et les rapports entre religion et philosophie", "Fragments de l'histoire de la philosophie", "La philosophie de l'art", "Introduction à la philosophie", "Genèse et structure de la société", (publié deux ans après son assassinat).

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Les exercices du plat philosophique "justicialiste" n'appartiennent pas à la Tradition de la culture philosophique humaniste qui trouve chez Marsile Ficin et Vico, précisément, le chemin fondateur entre l'intelligence, la recherche et la créativité. Le justicialisme en philosophie est la leçon d'un Robespierre qui a utilisé les Lumières comme le mensonge d'une saison "éclairée". Fiction et massacre. La tradition, c'est la culture. La culture philosophique consiste à renouveler la tradition de la pensée dans le temps de l'être et du temps. C'est un processus qui, à l'ère moderne, naît des valeurs et non de l'idéologie. Nous sommes dans Gentile et au-delà du Stoïcisme.

Le philosophe n'est pas celui qui exprime une idéologie. Il est l'idée dans la pensée. Que cela vous plaise ou non, les cours et les recours de Vico à Gentile sont des processus qui s'inscrivent dans l'humanisme des peuples. La Tradition est une civilisation qui a trouvé précisément en Giovanni Gentile (le philosophe le plus important du vingtième siècle), ce point de référence qui a fait entrer dans les processus de la Pensée elle-même l'Homme avec son héritage, son identité, ses appartenances.

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Je reste cependant convaincu que Tradition ne signifie pas conservation. Il s'agit là encore d'un fait anthropologique. Je ne suis pas un conservateur en termes politiques. Je suis un traditionaliste qui lit dans la révolution l'innovation constante de la Tradition métaphysique. L'homme et la civilisation ont trouvé dans la Renaissance le prolongement de l'Humanisme. La philosophie de Gentile est une tradition métaphysique et, à partir de cette dimension, la culture est l'expression réelle de modèles dialectiques qui renvoient à un lexique qui utilise la valeur supplémentaire qu'est la Liberté dans la connaissance.

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Parler de démocratie est subjectif et non objectif. C'est un mot élastique. Vous l'élastifiez à votre guise. Populaire et démocratique restent deux termes qui tendent un miroir aux hommes réellement libres. Mais la liberté, c'est beaucoup plus. Elle est bien plus que cela. Gentile, c'est la culture de la liberté, ou plutôt la Pensée dans la culture de la liberté de l'homme en tant qu'Être de l'humanisme. Le reste n'est que rhétorique ancienne d'un idéologisme qui n'a d'autre élément que la démagogie. Gentile est dans le sens du métaphysicien qui va au-delà de l'histoire pour définir la pensée comme un processus humain.

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Le mensonge de Robinson

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Le mensonge de Robinson

par Roberto Pecchioli

Source : EreticaMente & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/la-menzogna-di-robinson

En ces temps de culture de l'effacement, où même la musique de Beethoven et les épopées d'Homère sont mises à l'index selon le jugement sans appel du présent, où Shakespeare est accusé de sexisme, d'antisémitisme et de mépris pour les handicapés, il est curieux que l'une des œuvres les plus significatives de la littérature anglaise, Robinson Crusoé (1660-1731) de Daniel De Foe, soit rarement remise en question. Publié en 1719, il a immédiatement connu un succès extraordinaire qui perdure encore aujourd'hui, bien qu'il soit surtout considéré comme un chef-d'œuvre de la littérature enfantine. L'intrigue est bien connue: le marin Robinson s'échappe du naufrage de son navire et débarque sur une île déserte où il vit seul pendant douze ans. Il se débrouille comme il peut, trouve la foi en Dieu et rencontre alors un indigène, un "bon sauvage", qu'il sauve d'une tribu cannibale. Il l'appelle Vendredi, du nom du jour de la semaine où il le rencontre, l'éduque, lui apprend l'anglais et en fait un sujet. Au bout de vingt-huit ans, Robinson parvient à retourner à la civilisation avec Vendredi, pour vivre d'autres aventures avec lui. Son île, quant à elle, devient une colonie espagnole pacifique, dont il est nommé gouverneur.

Peu d'intrigues sont plus politiquement incorrectes que celle de Robinson. Pourquoi, alors, n'est-il pas attaqué par les "woke" avec la véhémence qui n'épargne pas Dante et Michel-Ange - sa chapelle Sixtine ne représente, par culpabilité, que des Blancs - jusqu'à Aristote, répudié pour avoir justifié - dans la Grèce du IVe siècle avant J.-C. - l'esclavage ? Même les woke en colère ont une laisse et une chaîne, celle du sommet du mondialisme, des maîtres qui les ont placés dans le fauteuil, à la tête des journaux, des chaînes de télévision, des maisons d'édition et des centrales du divertissement. La raison en est simple: Robinson est un symbole, la représentation parfaite de leur idéologie, l'un des mythes fondateurs de l'individualisme libéral.

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De Foe (tableau, ci-dessus) représente en Robinson le caractère des Lumières britanniques, la montée de la bourgeoisie mercantile, triomphante dans le sang de la Glorieuse Révolution proto-libérale de la fin du XVIIe siècle, la croyance en la raison, la religiosité moraliste puritaine, toujours présente - bien que bouleversée dans ses valeurs - dans la culture d'annulation anglo-saxonne d'aujourd'hui. Robinson exalte la mentalité individualiste qui sous-tend la société capitaliste naissante. Celle-ci s'efforce de plier la nature à ses besoins, de dominer la nature sauvage, en ne faisant confiance qu'à ses forces, éclairées par la raison et soutenues par la technologie. James Joyce a vu dans ce livre le manifeste de l'utilitarisme anglais qui, au début du XIXe siècle, avait trouvé en Jeremy Bentham son plus grand théoricien. Le personnage de Vendredi a été repris par Jean Jacques Rousseau dans l'archétype pédagogique du "bon sauvage" de l'Emile.

C'est pourquoi Robinson échappe à la censure: à sa manière, il est politiquement correct, ou du moins acceptable. Le politiquement correct est une forme de mensonge et doit être contré non pas par son antonyme, l'incorrection, mais par la vérité. Dans l'Europe de l'époque de De Foe, personne n'était un naufragé dans la mer de l'histoire. La société traditionnelle était un ensemble de racines, de dépendances mutuelles et de loyautés dont dépendait la survie de la communauté: un ensemble organique, une immense famille, une figure quasi biologique dans laquelle l'esprit de la terre et les générations précédentes confirmaient les coutumes et les croyances collectives sans qu'il soit nécessaire d'établir des constitutions écrites.

L'idée de l'individu est un produit de l'ingéniosité littéraire et non de la nature humaine. Pour le lecteur des XVIIIe et XIXe siècles, l'exemple de Robinson Crusoé, l'homme qui se prend en charge et parvient à optimiser des ressources rares grâce à son initiative et à ses connaissances techniques sur une île déserte, est devenu la parabole favorite du libéralisme européen et américain, dont Daniel De Foe a été - sans le savoir - le premier prophète. D'autres fables heureuses ont ensuite accompagné le développement du mythe : les vices privés qui deviennent des vertus économiques (Mandeville) ; la main invisible du marché (Adam Smith - portrait, ci-dessous) qui règle et résout tout dans l'intérêt ; la loi qui fait d'une chimère, la poursuite du bonheur inscrite dans la constitution américaine, un objectif de haute force symbolique.

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L'homme rationnel, indépendant, libre, libéré des contraintes, abstrait, naufragé sans histoire et sans racines, est l'ancêtre, le totem de l'homo oeconomicus contemporain: apatride, monade destinée à la production et à la consommation parfaitement interchangeable avec n'importe quelle autre. L'étonnant paradoxe de l'individualisme: des millions d'atomes identiques convaincus d'être uniques. La faiblesse de l'aventure robinsonnienne est qu'elle exige d'abord le naufrage, la solitude, l'absence de lien social. Au bout du compte, l'Anglais aride et morne finit par rencontrer un Vendredi. Le naufragé éclairé et "civilisé" colonise le sauvage, l'innocent Caliban de la Tempête de Shakespeare qui tombe entre ses mains, lui donne un nom - manifestation absolue de pouvoir, acte qui ne peut être accompli qu'avec un nourrisson ou un animal domestique -, le réduit à ses catégories morales et le soumet à un processus paternaliste d'acculturation qui le dénature.

Ces mêmes actions montrent que Robinson n'est pas un individu qui surgit du néant, mais une personne qui a des racines culturelles, identitaires, spirituelles: sans l'héritage millénaire du christianisme, il aurait probablement mangé ou tué Vendredi. Sans son éducation, l'apprentissage de la division du travail et de la technologie, il n'aurait pas exploité son serviteur avec autant de profit. Après tout, les Anglais pratiquaient le trafic d'esclaves depuis le XVIe siècle, avec la bénédiction de la couronne, qui délivrait aux entrepreneurs du vol et de l'inhumanité tels que Francis Drake et Walter Raleigh une autorisation spécifique, la "lettre de passage", et les érigeait en baronnets pour leurs tristes succès.

Robinson Crusoé a connu un immense succès dans l'Europe des Lumières et il n'est guère d'essayiste de l'époque qui ne le cite. Bernardin de Saint Pierre - écrivain et scientifique - Chateaubriand, mais aussi Rousseau, ont trouvé leur inspiration dans ce classique qui a enchanté d'innombrables enfances, dont la nôtre. Mais il aura fallu que Robinson se retrouve sur une île déserte, devienne une épave, un atome humain à la dérive pour devenir l'un des héros de l'individualisme libéral. Et devenir une sorte de Jean-Baptiste - le précurseur annonçant la naissance de ceux qui viendront après lui - de la modernité naissante, de l'homme nouveau engagé à fonder son paradis sur les ruines du monde traditionnel. Paradoxalement, ceux qui deviendront les chantres de l'individualisme sont des gens solidement organisés en corporations, actionnaires de banques et fondateurs des premières compagnies d'assurance, des personnages respectables membres de "guildes" et de corps de métiers, la bourgeoisie de Rembrandt et de Frans Hals, premiers acteurs de l'épopée séculaire du marchand, leur protecteur.

L'argent a toujours eu besoin de lois, de gendarmes, de prisons, d'Etats, de juges. Robinson était l'image que les puissances montantes des XVIIIe et XIXe siècles se faisaient d'elles-mêmes, une idéalisation de l'individu proactif qui permettait à quelques-uns d'exploiter sans pitié une masse de millions de Vendredi à la peau blanche et chrétienne, l'ancêtre de Kurtz dans Au cœur des ténèbres. Les universitaires anglo-saxons ne se soucient pas de cette gigantesque exploitation indifférente à la race et ne réclament pas de réparations historiques pour les héritiers des pauvres Européens blancs. C'est la mystique inversée - intouchable - du libéralisme, dont la neutralité/l'indifférence morale justifie toutes les infamies commises au nom de l'intérêt personnel.

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L'histoire déclenchée par le type humain dont Robinson est le héros éponyme est dramatique : lois sévères contre les pauvres, enclosures des champs communaux (enclosures qui ont poussé des millions de paysans privés de subsistance vers les usines), enfers industriels de Manchester et de Birmingham, landlords vantant les vertus morales du travail des enfants dans les mines et les filatures. L'Angleterre, dominée par l'oligarchie qui en est encore aujourd'hui l'architrave, a été la première à penser à limiter la croissance de la pauvreté non pas par une juste répartition des revenus, mais en imposant des limites à la reproduction biologique des misérables. L'élevage contrôlé du bétail humain prolétaire esquissé par le révérend Malthus est aujourd'hui concrétisé par le mondialisme anti-humain, qui considère l'avortement et l'euthanasie comme philanthropiques. "Son intérêt supérieur", peut-on lire dans la sentence qui a condamné à mort l'enfant malade Alfie, faute de soins.

Depuis Robinson, les riches donnent des leçons de morale: les guerres de l'opium en Orient ont été déclenchées pour défendre le libre-échange. Peut-on s'étonner de l'indifférence actuelle face à la propagation des drogues ? Robinson l'utilitariste, l'inépuisable homo faber, est le protagoniste de l'agonie de la beauté (à quoi sert-elle ?): la laideur à grande échelle, la fonctionnalité comme icône du profit, l'expression ultime de la rationalité libérale.

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Karl Friedrich Schinkel, le grand architecte néoclassique prussien, a visité les villes industrielles d'Angleterre, sombres, enfumées, dépourvues de services, grouillant d'une humanité appauvrie et échevelée sous les "noirs moulins sataniques" haïs par le poète William Blake. Il repart en pleurant : c'était un homme de l'ancien régime. La révolution industrielle anglaise, qui a commencé à l'époque de De Foe, a été la première révolution libérale, plus que la révolution américaine de 1776. Celle de la France fut un chaos causé par le vide d'une noblesse débauchée qui avait renoncé à son rôle de leader.

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Le libéralisme est le bras politique du système qui a ensuite trouvé dans la social-démocratie une soupape de sécurité servile. Le capitalisme a besoin d'ordre, de discipline, d'horaires, de division du travail ; Charlie Chaplin, dans Les Temps modernes, a représenté la chaîne de montage avec la précision plastique du génie. L'exploitation intensive de ces enfers (réserves de plus-value !) emploie des voyous pires que ceux des mines des Indes. L'enfant et la femme deviennent des instruments du processus de production. L'expansion des marchés passe par la destruction des sociétés traditionnelles : toute transformation du système de production impose d'innombrables sacrifices. En Espagne, les confiscations du 19ème siècle ont conduit à la transformation des paysans en ouvriers affamés, à la destruction du patrimoine artistique, à la déforestation et à un état de guerre civile permanent. Les libéraux ont apporté la liberté à ceux qui en avaient les moyens. Le suffrage censitaire était l'ancêtre grossier de la partitocratie actuelle, où le peuple plébiscite des candidats payés par les oligarques.

La démocratie est formelle car le pouvoir réside dans les conseils d'administration. Les marchés, hypostases terrestres de la divinité, décident mieux que nous. L'individualisme du naufragé Robinson est une revendication idéologique, une publicité. Un solvant, un acide nihiliste qui corrode toute forme de communauté, détruit tout lien, coupe toute racine. Vendredi perd son nom, son dieu, sa langue et sa mémoire. C'est la seule façon pour lui de servir Robinson. La dérive matérialiste du naufragé Crusoé, devenu gouverneur colonial, s'accomplit. À son mensonge, il faut opposer une vérité perdue : le matérialisme est l'effondrement de toute morale. C'est la leçon de Giovanni Gentile dans Genèse et structure de la société. "L'homme accomplit une action universelle qui est la raison commune aux hommes et aux dieux, aux vivants, aux morts eux-mêmes et même aux enfants à naître. " Il n'est pas un atome solitaire, ni Robinson ni Vendredi : il vit et devient une personne dans la mesure où il crée et transmet de la civilisation, et non des produits. "Au fond de l'ego, il y a toujours un Nous, qui est la communauté à laquelle il appartient et qui est la base de son existence spirituelle, et il parle avec sa bouche, sent avec son cœur, pense avec son cerveau". Robinson est le père glacial du "je" contemporain, Vendredi le serviteur nécessaire, éloigné de son destin originel, de son peuple, de son nom. Le mensonge de Robinson est un suprémacisme exigeant, brillant de paillettes, vendu à prix d'or.

Questions... turques

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Questions... turques

Andrea Marcigliano

Source: https://electomagazine.it/robe-turche/

Erdogan a perdu. Célébrations dans les rues des métropoles turques: Istanbul, Ankara, Izmir...

Célébrations aussi dans les médias italiens. Ils soulignent la raclée prise par le sultan, qui a toujours été présenté à notre opinion publique comme un méchant despote.

Mais.

Mais il s'agissait d'élections locales. Où l'AKP, le parti d'Erdogan, visait à reconquérir Ankara et Istanbul, déjà gouvernées par l'opposition du CHP. En Italie, ce dernier s'est présenté comme un parti social-démocrate, ou plus simplement socialiste.

En réalité, c'est le parti qui revendique l'héritage d'Atatürk. Laïque et nationaliste. Et les foules qui fêtaient dans les rues des deux métropoles, sans surprise, scandaient: Kemal ! Kemal ! 

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Comme l'a souligné Carlo Marsili (photo), longtemps ambassadeur à Ankara et aujourd'hui plus grand spécialiste italien de la politique turque, ce résultat prouve de manière irréfutable que la Turquie est une démocratie. J'ajouterai qu'il en va de même pour toutes les absurdités qui sont dites et écrites en Italie à propos du despotisme d'Erdogan.

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Il s'agissait d'élections locales. Le choix des maires. Et pourtant, elles étaient chargées d'un poids politique très fort. Le défi entre l'AKP, ou plutôt Erdogan, qui y avait mis tout son poids et sa tête, et l'opposition. Ou plutôt le CHP, dirigé par le maire d'Istanbul Ekrem Imamoglu (photo). Lequel a d'ailleurs saigné à blanc tous les autres partis d'opposition. Sauf dans les provinces kurdes, où le succès prévisible et modéré du parti minoritaire de référence a été enregistré.

Le fait le plus important, cependant, est que le CHP semble avoir dépassé le parti d'Erdogan dans les pourcentages nationaux. Ce qui, automatiquement, désigne Imamoglu pour les prochaines élections présidentielles en tant que successeur du sultan.

Erdogan paie principalement une crise économique interne et l'échec de nombre de ses politiques sociales. Il s'est ainsi aliéné le soutien de la classe moyenne urbaine, qui soutenait l'AKP à l'époque.

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Toutefois, il s'agit là de problèmes internes à la République turque. Des problèmes turcs, pour l'analyse desquels je me réfère à ce que des experts authentiques tels que Carlo Marsili et le professeur Fabio L. Grassi (photo) de l'université Sapienza écrivent et disent ces jours-ci. Tous deux font d'ailleurs partie du comité scientifique de la Fondation Nodo di Gordio.

Il est toutefois intéressant de noter comment un tel résultat pourrait affecter la politique étrangère d'Ankara. Notamment parce que le CHP est ouvertement atlantiste. Et Imamoglu semble avoir bénéficié de tout le soutien possible, et pas seulement moral, de Washington.

La position internationale de la Turquie est en effet... ambiguë. Erdogan, suivant les lignes de fond stratégiques turques liées à la tradition ottomane, a conduit le grand pays anatolien à jouer sur plusieurs tableaux. Dans l'OTAN et, en même temps, dans le dialogue avec Moscou. Un jeu complet qui a fait d'Ankara un acteur géopolitique présent et influent non seulement dans les Balkans et au Moyen-Orient, mais aussi dans tout le Maghreb et la Corne de l'Afrique.

Une stratégie tous azimuts qui a éveillé les soupçons (et c'est un euphémisme) de Washington. Lequel ne peut renoncer à son alliance stratégique avec la Turquie, mais ne pardonne pas à Erdogan le "dialogue" avec Moscou et Téhéran. D'où le soupçon (sic !) qu'une longa manus "amie"... était derrière le coup d'État manqué de 2016.

Erdogan a maintenant près de quatre ans pour retrouver le consensus et corriger ses erreurs de politique intérieure. Et rien n'est encore joué quant à l'avenir d'Ankara. Toutefois, il faudra voir comment le sultan se comportera sur la scène internationale pendant cette période. Compte tenu de son caractère, je doute qu'il accepte de rentrer dans le rang comme un canard boiteux. Et, peut-être, faudra-t-il s'attendre à d'autres... surprises.

La troisième guerre mondiale ? Attention au facteur "désespoir"

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La troisième guerre mondiale ? Attention au facteur "désespoir"

par Giulia Bertotto

Source: https://www.sinistrainrete.info/articoli-brevi/27764-giulia-bertotto-terza-guerra-mondiale-attenzione-al-fattore-disperazione.html

"La troisième guerre mondiale" est la question que nous nous posons depuis quelques semaines et "le facteur Malvinas" est la réponse - ou plutôt l'inconnue - donnée par Daniele Burgio, Massimo Leoni et Roberto Sidoli (Terza guerra mondiale - Il fattore Malvinas = "La troisième guerre mondiale ? le facteur Malvinas", L'AD Edizioni 2024) dans une analyse ordonnée et extrêmement détaillée de la vie avec la conscience du danger atomique de 1945 à nos jours ; un livre franchement indispensable si l'on ne veut pas risquer de se faire atomiser sans au moins comprendre comment nous en sommes arrivés là.

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Les événements relatés se sont produits alors que les deux grands blocs atlantique et russe détenaient cette puissance dévastatrice, en premier lieu l'expansion de l'OTAN vers l'est après la chute du mur, les promesses faites à Gorbatchev qui n'ont jamais été tenues, voire les provocations impérialistes avec ses exercices dans les faubourgs de Moscou et son adhésion continue au Pacte atlantique.

1945-2024. Les États-Unis gouvernent le monde: des microbes à l'espace (même virtuel)

De 1945 à nos jours, l'Amérique s'est toujours attachée à préserver sa domination financière, sa suprématie militaire et son hégémonie idéologique sur le monde entier, en empêchant la croissance d'économies rivales potentielles et de concurrents de guerre.

La Fédération américaine a profité des antagonismes existants pour envenimer les relations et attiser les tensions, afin d'affaiblir les nations mutuellement hostiles, et a organisé des coups d'État américains dans tous les pays qui émergeaient, de La Havane à Kiev. Même dans notre pays, en 1948, la DC, c'est-à-dire la CIA, soutenue par des militaires américains dans une fonction antisoviétique, l'a emporté [1]. Elle y est parvenue grâce au "business de l'antiterrorisme" (qui est aussi un gros poste de dépenses), à l'ingérence arc-en-ciel et aux révolutions "colorées" dans le cadre d'une "guerre cognitive mondiale". Il ne s'agit pas seulement de l'eau, de la terre et du ciel, mais de l'asservissement de l'esprit et du système de valeurs: un softpower mondial à étoiles et à rayures.

Le statu quo à l'avantage des États-Unis est maintenu par des politiques économiques visant à augmenter le chômage en Europe et à éroder la souveraineté des États sur notre continent; empêcher l'émancipation européenne est un intérêt prioritaire et l'attaque contre le gazoduc Nord Stream 2 doit également être lue dans cette logique. Dans la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, nous avons été témoins du lien croissant et capillaire entre les services secrets et l'intelligence artificielle dans l'accord avec des géants tels qu'Amazon, Microsoft et Facebook pour une domination planétaire en ligne; c'est ce que l'on appelle la structure-politique, c'est-à-dire la politique comprise et exercée comme une "expression concentrée de l'économie". De véritables régimes numériques qui profilent les utilisateurs-citoyens, imposent des modes, des conduites éthiques, diabolisent les ennemis et célèbrent les martyrs.

A l'heure actuelle, expliquent les auteurs, il n'existe que trois méga-agences, les grandes sources d'information, où puisent toutes les agences de presse géopolitiques nationales, qui à leur tour abreuvent les médias de mensonges, et deux d'entre elles sont liées à l'Etat profond américain. Espionnage des classes dirigeantes et de la population, contrôle de l'information par le biais de chevaux de Troie virtuels, désordre militaire, déstabilisation idéologique et sociale, sanctions et blocus économique : aucun État, peut-être, n'a subi comme Cuba des attaques sur tous les fronts et dans toutes les sphères de la vie civile.

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Les États-Unis se sont dépensés dans la conquête de nouvelles dimensions: celles des microbes avec l'ingénierie des virus et l'extra-planétaire avec des sondes et des satellites pour le contrôle sidéral. Le Pentagone a également gelé six milliards de dollars de la banque afghane, l'argent d'une population très pauvre. Le gel concerne également l'hiver nucléaire qui pourrait s'abattre sur la Terre en raison du bouclier de radiations dans l'atmosphère. Guerre des étoiles et hypocrisies spatiales: pour la "défense de la liberté" même en orbite.

Le paradoxe atomique: l'arme ultime évite la fin de l'humanité

Guerre militaire, guerre culturelle, guerre des données, guerre de l'information et guerre de l'espace. Comment le risque atomique s'inscrit-il aujourd'hui dans ce scénario ?

Depuis la fabrication de la première bombe expérimentale, la cible nucléaire américaine a toujours été l'Union soviétique et pas seulement l'Allemagne nazie. Mais depuis le très chaud mois d'août 1949 - où l'URSS a également développé son propre dispositif atomique - le risque mutuel a temporairement stabilisé l'équilibre des pouvoirs; le danger a été cristallisé dans la guerre froide, l'"équilibre de la terreur" a permis d'éviter un génocide de notre part. Le paradoxe atomique appelé "impasse nucléaire" a évité notre extinction; "en bref, seule la puissance atomique peut bloquer la puissance atomique", écrivent nos auteurs. Selon certains historiens, Oppenheimer lui-même, à la tête du projet Manhattan, bien que conscient du potentiel destructeur de la bombe, était également tenté par l'idée de forger une arme ultime, si effrayante qu'elle responsabiliserait tous les acteurs du domaine. Une arme si radicale qu'elle forcerait la paix, ou plutôt la diplomatie. La plus formidable arme d'autodestruction était aussi, paradoxalement, la plus solide des dissuasions contre le suicide de masse. La pulsion de mort a été disciplinée par l'atome microscopique.

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2024 et le facteur Malvinas: oui à la terreur, non au désespoir

Venons-en à 2024. Il suffit de regarder un journal télévisé pour se rendre compte que quelque chose a changé aujourd'hui, l'équilibre de la terreur a été rompu. L'émergence des BRICS, le changement de régime à Kiev, le génocide du peuple palestinien, les défis américains contre la Chine à Taïwan font resurgir le cauchemar nucléaire. Selon les auteurs, dans ce cadre, l'autodestruction ne peut être évitée que si le facteur Malvinas, le sentiment américain de défaite, ne s'y ajoute pas. Malheureusement, selon les auteurs, la faillite outre-mer serait inévitable en raison de l'augmentation de la dette publique, de la stagnation de l'industrie, du chômage et de la faible taxation des multinationales. Les Etats-Unis seraient sur le point de tomber dans une Grande Dépression 2.0 et l'absence d'issue pourrait les conduire à y mettre fin, déclenchant une réaction en chaîne jusqu'à l'holocauste de l'humanité. Ainsi, selon cette thèse, Washington ne doit pas en arriver au point où il n'a plus rien à perdre. Car si vous n'avez rien à perdre, vous n'avez rien à craindre, tandis que la peur de perdre quelque chose est la distance émotionnelle qui vous sépare de ce bouton.

Cependant, les auteurs avancent également une proposition, une recette politique et économique réfléchie contre l'échec pour les États-Unis, un antidote clairvoyant à la perte probable d'espoir et de lucidité aux États-Unis. Un livre qui fait froid dans le dos, à lire avec les dernières nouvelles, tous à l'écoute de la fin du monde.

Notes

[1] "Elly Schlein, lorsqu'elle était étudiante, a participé bénévolement à deux campagnes électorales d'Obama (2008 et 2012)". Selon certains biographes de la secrétaire du PD Elly Schlein, son ascension politique rapide a été facilitée et planifiée par l'agence Social Changes, proche de Barack Obama, qui a promu son image dans les médias à grand renfort de publicité. Pour d'autres biographes, il ne faut cependant pas oublier des parrains de poids dans le monde de la Démocratie, comme Romano Prodi, et les relations passées entre Prodi lui-même et Melvin Schlein, le père d'Elly, professeur d'université américain: les deux professeurs, tous deux nés en 1939, ont pu collaborer et enseigner à Bologne, à l'Université John Hopkins, pendant quelques années. Deux pistes très intéressantes à suivre". Sur Italia Oggi au lien suivant: https://www.italiaoggi.it/news/gli-sponsor-dell-ascesa-di...

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Mourir pour Kiev? Les vents de la guerre ou du business soufflent-ils?

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Mourir pour Kiev? Les vents de la guerre ou du business soufflent-ils?

Ernesto Milá

Source: http://info-krisis.blogspot.com/2024/03/morir-por-kiev-soplan-vientos-de-guerra.html

Nous sommes confrontés à une campagne d'"opérations psychologiques" visant à faire comprendre à la population la proximité de la guerre. Mais nous sommes aussi à quelques mois de changements historiques, tant aux États-Unis que dans l'UE: en 2025, rien ne sera plus comme avant. Même après le mois de mai, lorsque auront eu lieu les élections européennes, il apparaîtra clairement que les gouvernements qui proposent aujourd'hui une guerre extérieure, mais qui ne sont même pas capables de contrôler les minorités ethniques parasites chez eux, seront faibles dans l'ensemble de l'UE. Sinon, la victoire de Donald Trump aux États-Unis - s'il parvient à se présenté aux électeurs - est acquise. Et Trump a été très explicite sur ses projets. Il est donc douteux qu'entre la fin 2024 et les premiers mois de 2025, la tension belliqueuse puisse être maintenue -  ceux qui l'ont déclenchée en sont bien conscients. Alors, y a-t-il un risque de guerre, et quelle est la raison de cette campagne de préparation psychologique ? Ces quelques lignes tenteront de répondre à cette question.

* * *

C'EST ARRIVÉ IL Y A VINGT ANS : LE MÉCANISME DIABOLIQUE À L'OEUVRE

Ceux qui s'en souviennent savent comment la "préparation psychologique" de la guerre en Irak a commencé :

    - d'abord, on a insisté activement et passivement sur la complicité de l'Irak avec... Al-Qaida et sur sa responsabilité dans tout massacre qui éclaterait dans le monde. Notre illustre José María Aznar a même soutenu - avec non moins de sérieux - que l'ETA et Saddam étaient la même chose.

    - Ensuite, nous avons été convaincus que l'armée de Saddam Hussein (la "troisième du monde") préparait une offensive générale contre les pays voisins et une escalade de la violence pour anéantir Israël ;

    - Finalement, cette nouvelle a été amplifiée et la légende selon laquelle il possédait des "armes de destruction massive" est apparue (même Colin Powell, Secrétaire à la Défense, avec un sérieux étonnant, a affirmé que ces "armes", des gaz chimiques mortels, étaient fabriquées dans des camions mobiles...) ;

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Et cela pendant deux ans, depuis les échos de l'invasion américaine de l'Afghanistan en 2001, qui s'amenuisaient,  jusqu'à la nuit des attaques contre Bagdad, le 1er mai 2003... On connaît la suite.

LA CAMPAGNE PSYCHOLOGIQUE EST DE RETOUR

Aujourd'hui, le même processus se répète : "La Russie est coupable", a déclaré le bureau ovale de la Maison Blanche. Ainsi, les gouvernements "alliés" (c'est-à-dire vassaux, car les empires n'ont pas d'"alliés"), les groupes de médias, les ONG et les experts, suivant l'ordre, s'empressent d'accuser la Russie et Poutine de tout ce que l'on peut imaginer.

Les similitudes entre cette "préparation psychologique" à la guerre du Golfe (qui, en substance, était la même que celle suivie par Roosevelt et Churchill depuis 1938 jusqu'à ce qu'ils parviennent à transformer un conflit localisé en une guerre mondiale) sont évidentes. Mais la situation internationale est totalement différente.

Les signes ne trompent pas: tous les gouvernements fantoches du Département d'État américain (y compris celui de l'Espagne, quoique timidement) s'accordent sur une chose qui est loin d'être certaine: le conflit ukrainien et les "conquêtes russes" qui s'ensuivent n'arrêteront pas Vladimir Poutine. Question piège: "Quand Vladimir Poutine a-t-il déjà montré par un geste qu'il voulait "conquérir" des territoires européens ou asiatiques pour la Russie?" Réponse: "JAMAIS".

La guerre en Ukraine - et c'est la partie importante du récit "occidentaliste" - n'a pas été initiée par Poutine, mais par l'ambition de l'OTAN d'intégrer l'Ukraine dans son dispositif anti-russe, rompant les promesses - pour la énième fois - faites par le président Bush (senior) au leader soviétique de l'époque, Gorbatchev. La Russie - alors en situation de faiblesse, notamment sous le gouvernement de l'alcoolique Boris Eltsine - était restée silencieuse face aux incorporations successives des pays d'Europe de l'Est dans l'OTAN, aux tentatives du Pentagone d'allumer des conflits dans le Caucase et dans les anciennes républiques soviétiques, à son interventionnisme en Ukraine. Etc, etc. Le répertoire des coups "occidentaux" contre la Russie était sans fin. Mais dès le début du millénaire, la reconstruction de l'État russe a commencé sous la houlette de Vladimir Poutine.

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La faiblesse, l'apathie et le zèle alcoolique d'Eltsine ont été remplacés par la volonté de restaurer la dignité de l'État et de la nation russes. Et à la tentative d'intégration de l'Ukraine dans l'OTAN (qui avait déjà provoqué une guérilla dans les républiques devenues indépendantes de Kiev et réclamant leur intégration dans la Fédération de Russie, approuvée par référendum), Poutine a répondu par une attaque localisée dans le sud-est de l'Ukraine.

Les gouvernements laquais, les experts rémunérés et les médias défaillants ont tous condamné l'"invasion russe", alors que le responsable d'une guerre (et de tous les massacres qui s'ensuivent) n'est pas celui qui attaque en premier, mais celui qui rend la guerre possible. Et les États-Unis ont cherché à impliquer les pays de l'UE dans un conflit finalement provoqué dans les bureaux du Pentagone :

- Tout d'abord, le département d'État a ordonné des sanctions contre la Russie. Et les gouvernements occidentaux ont sanctionné la Russie, bien qu'ils aient été les premiers à en souffrir (tant pis pour la volonté impérialiste et tant pis pour l'indignité des gouvernements traîtres à l'égard de ceux qui les ont élus).

- Ils sont ensuite allés jusqu'à saboter les installations russes dans la Baltique par des attaques terroristes - le sabotage de Nord Stream - afin d'interrompre le flux de gaz russe vers l'Europe occidentale et, bien sûr, les États-Unis eux-mêmes ont offert du gaz à un prix deux fois plus élevé aux gouvernements européens. Mais l'économie de marché est incontrôlable et les Russes ont réussi à maintenir le flux de gaz vers les marchés européens grâce au commerce triangulaire. Plus cher, bien sûr, en raison de la présence d'intermédiaires.

- Les États-Unis ont envoyé (et continuent d'envoyer) du matériel militaire à l'Ukraine. En fin de compte, ce sont les Ukrainiens qui se font tuer et les bénéfices vont au consortium militaro-pétro-industriel au cœur même de l'"administration Biden" (ou quelqu'un croit-il vraiment que ce vieil homme aux neurones atrophiés, qui a perdu le sens des réalités depuis au moins cinq ans, est celui qui gouverne réellement à la Maison-Blanche) ?

Mais la guerre contre la Russie ne pouvait être soutenue par la seule aide militaire américaine - du matériel obsolète et périmé - et les gouvernements "vassaux" - les plus touchés par les sanctions - ont dû apporter leur contribution. L'Espagne a envoyé six chars "Léopard", pratiquement inutiles pour la guerre de positions qu'est devenu le conflit ukrainien à partir du moment où les troupes russes ont atteint les objectifs qu'elles s'étaient fixés. L'Allemagne - gouvernée par des écocrates, des sociaux-démocrates et des libéraux - a fait l'essentiel du travail. La Pologne, qui aspire à prendre une partie du territoire ukrainien une fois le conflit terminé, s'est mise en retrait. Les autres gouvernements ont envoyé des fonds et des aides de plusieurs dizaines de millions d'euros... à l'un des pays les plus corrompus du monde, où les vrais dirigeants sont la mafia azkénaze !

Et le temps passe : les offensives ukrainiennes, claironnées par la presse et les experts occidentaux, n'aboutissent pas. Il semblerait qu'elles ne soient que des prétextes pour montrer que Zelensky fait quelque chose de l'argent et des armes qui lui sont envoyés. En fait, tout ce qu'il a réussi à faire, c'est de continuer à causer de nouveaux morts. Les attaques de drones occidentaux ont donné lieu, en représailles, à une destruction de plus en plus systématique des infrastructures (cette stratégie n'est pas propre à Poutine ; elle a été expérimentée lors des bombardements de l'OTAN sur la Yougoslavie à la fin du 20ème siècle).

Le fait est que la guerre est déjà perdue - elle l'était dès le premier jour - pour l'Ukraine: on peut même s'interroger sur la "volonté de se battre pour sa liberté" du "peuple ukrainien", pour un pays qui, pour l'instant, a été abandonné par 2.000.000 de citoyens qui ont préféré fuir à l'Ouest plutôt que de servir leur pays par les armes...

LE MONDE SE RECOMPOSE SANS CESSE

Les séquelles du conflit ukrainien ouvrent un nouveau scénario. Contrairement à ce que prédisaient ses promoteurs (les ploutocraties occidentales et surtout américaines), la Russie n'est pas plus faible aujourd'hui qu'elle ne l'était il y a trois ans. Le monde s'est scindé en deux: l'"Occident" (divisé, confus, en crise) et le "reste du monde" (Chine, Inde, Russie, etc.), qui soit aspire à l'hégémonie commerciale mondiale (Chine), soit veut suivre sa propre voie sans imposition ni conflit (Russie, Inde). Le conflit ukrainien a tué la "mondialisation": c'est le premier constat.

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Or, le conflit ukrainien a éclaté parce que le vrai pouvoir aux États-Unis - nous répétons, le complexe militaro-pétrolier-industriel - a mis au pouvoir une vraie marionnette. Mais il y a des élections aux États-Unis tous les quatre ans. Par ailleurs, le cycle électoral démocratique se poursuit dans les pays occidentaux. Les prochaines étapes seront les élections européennes de juin 2024 et les élections américaines de novembre. Dans les deux cas, il est possible que la situation change radicalement.

    - Aux États-Unis, le complexe militaro-pétrolier-industriel n'a pas trouvé de candidat de remplacement. Kamala Harris, placée à la vice-présidence pour remplacer Biden lorsque ses problèmes cérébraux ne pouvaient plus être dissimulés, avait presque tout pour faire d'elle la candidate idéale de l'establishment: femme et peau foncée... mais il lui manquait tout autre attribut susceptible de susciter l'empathie de l'électorat. Aujourd'hui, elle est l'une des personnalités politiques les plus décriées des États-Unis. Le candidat à la vice-présidence sur le ticket démocrate devra être surveillé: seul un aveugle pourrait ne pas voir que Biden, s'il était élu, ne tiendrait pas beaucoup plus quelques mois avant d'être disqualifié. Mais c'est peu probable: Biden a très peu de chances d'être élu. La différence entre Biden et Trump est telle que le premier ne pourrait l'emporter que si Trump ne pouvait se présenter à l'élection par quelque artifice juridique (ce qui est tenté depuis qu'il a quitté ses fonctions), s'il mourait de mort naturelle (les hamburgers et la nourriture "typiquement américaine" qu'il apprécie habituellement ne sont pas exactement une garantie de longue vie) ou s'il était assassiné (et ce ne serait pas la première fois, aux États-Unis, qu'une action terroriste contre une personnalité change la politique de l'administration). En cas de victoire de Trump, il est clair qu'un des premiers objectifs serait d'arrêter toute aide à Kiev, de lâcher l'OTAN... "Si l'Europe veut de la défense, qu'elle la paie". En tant qu'homme d'affaires, il sait que personne ne peut supporter un niveau d'endettement comme celui des États-Unis actuellement et que, si l'argent continue d'affluer dans les caisses publiques, il serait mieux utilisé pour reconstruire les infrastructures, assainir la société américaine, créer des emplois et réduire le poids de la dette. Tout le reste - à commencer par l'Ukraine - est secondaire. On sait donc très bien quelle sera la politique de la seconde administration Trump: cesser les engagements pesants à l'étranger et se concentrer sur la reconstruction à l'intérieur du pays (qui en a bien besoin, comme ont pu le constater tous ceux qui ont voyagé aux États-Unis).

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"Bumbling Biden", l'un des sites web les plus suivis aux États-Unis, montre clairement que la détérioration mentale de Biden n'est pas seulement une ressource électorale trumpiste.

    - Il y a ensuite les élections dans l'Union européenne. La tendance la plus probable est la suivante: un affaiblissement de la gauche, un déclin continu de la droite libérale et une montée des divers candidats nationaux de droite (que leurs adversaires appellent souvent "extrême droite"). Et l'UE est dans une situation où elle a besoin d'une réforme par le haut: RÉFORME OU LIQUIDATION. Les quinze dernières années - dont la politique a été dominée par le centre-gauche - ont mis l'UE à l'écart de la politique internationale. L'Europe est aujourd'hui un nain politique, avec une perte de positions économiques, une bureaucratie lourde et étouffante dominée par l'axe franco-allemand, qui n'est plus gouvernée par des critères technocratiques - comme elle l'était autrefois - et n'est plus que la "jambe européenne" d'une mondialisation qui a cessé d'exister.

La question des prochaines élections européennes n'est plus de savoir s'il y aura un "glissement à droite", mais quelle sera l'ampleur de la défaite de la gauche et de la montée de la "droite nationale".

Si aux Etats-Unis les choses sont claires, dans l'UE les choses sont beaucoup plus complexes. Tout dépendra de l'ampleur de la défaite des candidatures de gauche et des avancées de la "droite nationale" (ainsi que de sa capacité à élaborer des stratégies communes au sein du Parlement européen). Mais en tout état de cause, il semble très peu probable qu'après la fin de l'année, les constantes de la situation actuelle soient maintenues: l'Ukraine ne pourra plus tenir longtemps, et le complexe militaro-pétrolier-industriel n'aura plus le temps d'achever la campagne de "préparation psychologique" à une nouvelle guerre généralisée.

Et cela ne conduit pas à la question essentielle : y a-t-il une chance de conflit généralisé ?

LES CHANCES D'UN CONFLIT GÉNÉRALISÉ

Les déclarations de Macron à ce sujet (un présomptueux incapable de maintenir l'ordre à 500 mètres de l'Elysée et qui aspire à la puissance internationale), celles de Lloyd Austin, secrétaire américain à la Défense, qui met en garde contre la prochaine "invasion russe", l'intention des gouvernements européens de se réarmer et même celle de la pauvre Margarita Robles (l'une des rares ministres de l'actuel gouvernement espagnol à pouvoir se vanter d'avoir une carrière propre, d'avoir même travaillé dans l'administration de la justice mais qui n'a aucune connaissance des questions militaires et doit se fier aux rapports des services de renseignement espagnols, qui se basent sur ceux de la CIA et du Département d'État) d'envoyer une demi-douzaine de Léopards supplémentaires en Ukraine, ce qui, dans l'ensemble, n'est rien de plus qu'un "feu de paille".

Dans les circonstances actuelles, personne ne veut la guerre. Absolument personne:

    - Poutine parce qu'il connaît les résultats de la dernière guerre mondiale, qui pèsent encore sur l'inconscient collectif du peuple russe (qui a payé le prix fort pour sa participation: entre 18 et 20.000.000 de morts).

    - Le complexe militaro-pétrolier-industriel américain parce qu'il sait que le temps presse, qu'il n'a pas le temps de mener une campagne d'opérations psychologiques pour préparer les esprits à la guerre, et qu'après novembre, rien ne sera plus comme avant.

    - Les gouvernements européens parce qu'ils savent pertinemment qu'ils ne sont même pas en mesure de surmonter les conflits internes qui pourraient réveiller les minorités ethniques à un moment où il serait impossible de continuer à les subventionner (ce qui serait le cas en cas de conflit et d'"économie de guerre").

POURQUOI LES FANFARONNADES BELLICISTES PROLIFÈRENT-ELLES (SOUVENIR DE COVID) ?

La question sous-jacente est la suivante: si personne ne veut la guerre, à quoi servent toutes ces déclarations bellicistes et cette campagne d'opérations psychologiques visant à préparer la population à la guerre ? Faux: il ne s'agit pas d'une campagne de préparation à la guerre, mais d'une campagne de préparation au grand marché de l'armement. Pour cela, il y a une date limite entre aujourd'hui et la fin de l'année. Et sur ce point, toutes les parties sont d'accord :

    - le complexe militaro-pétrolier-industriel américain parce que son activité est la fabrication d'armes, qu'elles soient utilisées ou non;

    - l'UE parce que la revitalisation de l'industrie de l'armement créerait de nouveaux emplois et revitaliserait l'économie de l'UE...

La campagne "psy-ops" déclenchée actuellement est très similaire à celle que nous avons déjà vue à l'occasion du COVID :

    - premièrement, la peur est générée, le fameux "nous allons tous mourir",

    - deuxièmement, des mesures absolument irrationnelles sont décrétées et acceptées en raison de la peur générée au préalable, et enfin vient le salut sous la forme de la "mort de nous tous",

    - et enfin, le salut vient sous la forme d'un vaccin miraculeux.

Quel est l'intérêt de tout cela, en tant qu'expérience sociale ? Ce qui est certain, c'est que la "campagne COVID" a été générée à partir de l'OMS par des entreprises du secteur pharmaceutique et pour multiplier leurs profits de manière exponentielle. En fin de compte, ce qui a été voulu avec ce "grand mensonge" (le virus existait, mais la majorité des décès ont été causés par de mauvais protocoles de traitement du virus, émis par l'OMS et diffusés par des gouvernements ignorants, des experts crédules et acceptés par une population terrifiée, isolée et soumise à des pressions psychologiques dans la solitude de leurs maisons) n'était rien d'autre qu'une opération économique.

Si celle-ci était menée par les multinationales de la santé, sous "l'autorité" de l'OMS, les instigateurs de la crise actuelle - répétons-le encore - sont le complexe militaro-industriel et pétrolier américain, avec les départements d'État et de la Défense comme porte-drapeaux et l'OTAN comme "complice nécessaire". Il ne cherche pas une guerre que, dans l'état actuel de la course aux armements, les États-Unis ne pourraient pas gagner - et que, après novembre, Donald Trump ne chercherait même pas - et dont aucun pays européen ne veut, mais seulement à donner un coup de pouce à l'industrie de l'armement. C'est tout, et c'est ce que dit la logique.

NE PAS SE LAISSER IMPRESSIONNER PAR LA VIRULENCE DES PROPOS

Il est donc important de ne pas se laisser impressionner par le sérieux des informations. Le risque de conflit est minime. Il y a deux ans et demi, lorsque le conflit ukrainien a commencé, les possibilités étaient bien plus nombreuses: l'administration Biden avait encore beaucoup de temps devant elle, et même la gauche progressiste était globalement en bien meilleure position qu'aujourd'hui (dans la sphère ibéro-américaine, le groupe de Puebla dominait sans conteste la scène ibéro-américaine et péninsulaire: aujourd'hui, il joue les trouble-fête et les protestations s'accumulent dans le seul pays où il a réussi à prospérer au cours des deux dernières années, le Brésil). Au départ, il y avait des doutes sur la position qu'adopteraient la Chine et l'Inde par rapport au conflit ukrainien: aujourd'hui, il n'y a plus de doute. Ils ne sont pas dans le camp "occidental": leur proximité avec le gouvernement russe est indéniable, et il en va de même pour l'Iran. Il ne s'agit pas du même scénario et c'est pourquoi les instigateurs de la "psy-op pro-guerre" ont déclenché la campagne avec un objectif beaucoup plus réaliste: faire tourner les usines d'armement. Pour multiplier, répétons-le, leurs dividendes.

Bien sûr, il s'agira ensuite de savoir dans quels conflits les armes pourront être utilisées. Et là, il ne semble pas y avoir beaucoup de différence avec la guerre froide: sur des fronts secondaires. L'Afrique a toutes les raisons de consommer de grandes quantités d'armes conventionnelles pour que ses peuples s'entretuent à cœur joie. Nous incluons également le Maghreb. Et c'est là que l'Espagne intervient :

    - Il serait bon que nous, Espagnols, n'oubliions pas que le Maroc revendique des fragments de territoires historiquement espagnols, y compris les îles Canaries, ainsi que Ceuta, Melilla et les îles adjacentes.

    - N'oublions pas non plus qu'en Espagne, les tensions politiques, les blocages constitutionnels, l'aveuglement, la psychopathie et la médiocrité de certains gouvernants conduisent à des situations parallèles à celles qui se sont terminées en 1936 par l'éclatement de la guerre civile.

Ce n'est pas vers l'Ukraine que Margarita Robles devrait se tourner, mais vers le renforcement de l'appareil militaire espagnol face aux deux seuls conflits possibles qui pourraient apparaître à notre horizon stratégique: une offensive de "l'ennemi du Sud", le Maroc, ou un problème politico-civil, voire ethnique, que les forces de l'ordre ne seraient plus en mesure de maîtriser.

ET L'UKRAINE ? PLEURER SUR LE MALHEUR D'UN PAYS

Et l'Ukraine ? L'Ukraine a déjà perdu la partie. Elle a perdu à partir du moment où, au lieu d'opter pour la neutralité et les bonnes relations avec la Russie et l'UE, elle a calculé - non pas "l'Ukraine", mais la mafia azkénaze qui y règne - qu'elle pouvait tromper la vache occidentale plus qu'une Russie qui sait qui est qui dans la politique ukrainienne.

L'opinion publique occidentale est de plus en plus convaincue que Zelensky devra tôt ou tard faire des "concessions territoriales" à la Russie (en réalité, ce n'est pas nécessaire: les incorporations ont déjà été faites et l'Ukraine n'a qu'à accepter que les territoires, la culture et les traditions des Russophones qui, par les aléas de l'histoire - avec le réalignement stalinien au premier plan - ont été accidentellement incorporés à son territoire, ne le sont plus.

La véritable question qui devra être réglée lors des pourparlers de paix sera le statut de l'Ukraine d'après-guerre et le sort de Zelensky et de sa clique (et ici la grande question est de savoir qui achèvera Zelensky, l'indifférence occidentale ou son propre peuple). Qui reconstruira l'Ukraine ? Qui paiera pour la reconstruction ? Quelles garanties de neutralité un futur gouvernement ukrainien sera-t-il en mesure d'offrir à la Russie ?

Autant de questions qui seront à régler en 2025, difficiles mais moins destructrices qu'un conflit généralisé.

vendredi, 05 avril 2024

Pour la première fois, les pays de l'ANASE préfèrent la Chine aux États-Unis en matière d'investissement dans la défense militaire

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Pour la première fois, les pays de l'ANASE préfèrent la Chine aux États-Unis en matière d'investissement dans la défense militaire

Enrico Toselli

Source: https://electomagazine.it/per-la-prima-volta-i-paesi-asean-preferiscono-la-cina-agli-usa-gli-investimenti-alla-difesa-militare/

Qui choisir entre la Chine et les États-Unis? L'an dernier, la question posée par un institut de recherche aux entrepreneurs publics et privés, ainsi qu'aux universitaires et chercheurs, des pays de l'Asie du Sud-Est (Asean) indiquait une nette prépondérance pour Washington, avec 61,1% contre 38,9% de préférence pour Pékin. Et cette année? Selon les médias italiens, l'isolement de Xi Jinping s'est accru, tout comme celui de la Russie. En effet, pour la première fois, la Chine dépasse les États-Unis, mais de peu : 50,5 contre 49,5%.  De peu, mais c'est un bond considérable en 12 mois.

Les pays qui apprécient le plus la Chine sont la Malaisie (75,1%), l'Indonésie (73,2%) et le Laos. Du côté américain, on trouve les Philippines (83,3%) et le Viêt Nam (79%).

De toute évidence, ces deux camps représentent un choix extrême, car tous les pays préféreraient ne pas avoir à choisir. Ils préféreraient faire des affaires avec les deux candidats. Toutefois, il existe une différence significative entre les deux camps. Les États-Unis sont appréciés par ceux qui, par crainte de Pékin, attendent une protection militaire nord-américaine. Et le déclin de la popularité de Washington est précisément lié à l'impression que les États-Unis accordent peu d'attention à l'Asie du Sud-Est, préférant s'occuper de la guerre en Ukraine ou du soutien à la boucherie israélienne.

Le choix de la Chine dépend, quant à lui, des investissements de Pékin dans les différents pays de l'Asean. Chemins de fer, ports, routes, industries. Bref, les projets de la Route de la soie qui, selon la désinformation italienne, ont été mis en veilleuse et reportés sine die. Les Asiatiques, évidemment, n'ont pas remarqué ces annulations de projets et apprécient les chemins de fer qui ont été mis en service, les ports qui fonctionnent, les usines qui créent des emplois.

En revanche, en Italie, il était nécessaire de justifier la sortie de l'accord avec Pékin et, par conséquent, il était indispensable de dissimuler les faits et les travaux réalisés ou en cours de réalisation en Asie.

20:25 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, anase, asie, affaires asiatiques, chine, états-unis | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Chaque famille européenne devra débourser 700 euros en moyenne: l'OTAN propose un plan de 100 milliards d'euros pour le régime de Zelensky

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Chaque famille européenne devra débourser 700 euros en moyenne: l'OTAN propose un plan de 100 milliards d'euros pour le régime de Zelensky

Source: https://geoestrategia.es/noticia/42595/ultimas-noticias/cada-familia-europea-tendra-que-poner-700-euros-de-media:-la-otan-plantea-un-plan-de-100.000-millones-de--para-el-regimen-de-zelensky.html

Hier, les médias occidentaux ont rapporté que le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, avait annoncé la nécessité de créer un fonds d'assistance militaire de 100 milliards d'euros sur cinq ans pour l'Ukraine. Il est vrai que ce projet a suscité des réactions mitigées au sein même de l'organisation.

Selon Politico, le chef du ministère belge des affaires étrangères a mis en garde contre le danger de promesses irréalistes et le représentant de la Hongrie a menacé de rejeter les propositions qui "transformeraient l'OTAN en une alliance offensive". Dans le même temps, la Pologne, la République tchèque, l'Allemagne et la Turquie ont soutenu l'idée d'un mécanisme de soutien à long terme pour le régime de Kiev.

Que ce fonds de l'OTAN voie le jour ou non, le fait d'en parler est une manifestation de la tendance générale à entraîner les pays de l'UE plus loin dans le conflit.

Alors que les États-Unis retardent la fourniture de matériels militaires et réorientent leur regard vers l'Asie, nous entendons de plus en plus de déclarations de l'Europe sur la nécessité de débourser plus d'argent pour aider le régime de Kiev.

Dans ces conditions, l'envoi de contingents militaires des pays de l'UE dans les régions occidentales de la soi-disant Ukraine semble de plus en plus inévitable, en particulier dans le contexte des derniers préparatifs de la France. La question qui se pose aujourd'hui est de savoir sous quelle forme cela se fera et quand cela sera officiellement annoncé.

Les pays de l'OTAN ne prennent pas le chef de l'OTAN au sérieux

Le secrétaire général de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord, Jens Stoltenberg, souhaite que le bloc militaire remplace les États-Unis en tant que principal fournisseur de l'armée ukrainienne. À cette fin, il a proposé de créer un fonds de soutien militaire fixe de 100 milliards d'euros sur cinq ans pour Kiev. Chaque membre contribuerait plus ou moins à ce montant en fonction de son pouvoir d'achat.

Ainsi, les livraisons ne seraient pas suspendues car elles ne dépendraient pas de négociations politiques, ce qui enverrait un message de cohésion face à la Russie.

Cependant, les ministres de la défense des pays de l'Alliance transatlantique ont réagi à la proposition de M. Stoltenberg avec "des doutes et des craintes" dans certains cas, tandis que dans d'autres, ils ont "roulé des yeux" devant l'idée, laissant entendre qu'ils considéraient l'initiative comme ridicule.

Alors que la Pologne, l'Allemagne et la Turquie ont soutenu l'idée, la Belgique a averti qu'il était "dangereux de faire des promesses que nous ne pouvons pas tenir". D'autres pays d'Europe occidentale se sont demandé d'où proviendrait l'argent nécessaire à la création d'un tel fonds et se sont demandé si de telles dépenses ne risquaient pas de compromettre la capacité du continent à jouer un rôle plus important dans sa propre défense.

Une telle initiative ne peut être approuvée que par les pays de l'OTAN, qui ont convenu que le bloc militaire devrait jouer un rôle plus actif dans la coordination de l'aide à Kiev, mais qui, lors de la dernière réunion, n'ont pas soutenu l'initiative de M. Stoltenberg.

Le chef de l'OTAN inquiète les États-Unis

Le secrétaire général de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord, Jens Stoltenberg, a proposé que les pays de l'OTAN remplacent les États-Unis comme garants du soutien militaire à Kiev par un fonds commun de 100 milliards d'euros sur cinq ans, mais "la Maison Blanche n'a pas beaucoup aimé l'idée", pour utiliser l'euphémisme.

Washington aurait exprimé un tel mécontentement que M. Stoltenberg lui-même a dû s'exprimer pour "réduire les craintes qu'un rôle accru de l'OTAN n'affaiblisse la présence américaine", admettant au passage qu'il ne s'agit pas d'un bloc militaire regroupant tous les pays, mais uniquement les Etats-Unis.

"Le général [Christopher] Cavoli est le commandant américain en Europe, mais aussi le commandant de l'OTAN en Europe [...]. Et, évidemment, je pense que le général Cavoli se coordonne avec le général Cavoli, parce que c'est le même homme".

    - La Grande-Bretagne, la France et les pays nordiques se préparent déjà secrètement à envoyer des troupes en Ukraine, a déclaré le consultant du département d'État Edward Luttwak. Selon l'expert, les pays de l'OTAN devront bientôt envoyer des troupes en Ukraine, faute de quoi l'alliance sera contrainte d'accepter une "défaite catastrophique".
    - Ils veulent que l'assistance militaire à l'Ukraine passe de volontaire à obligatoire, a déclaré le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov ;
    - Le réseau social X estime que la puissance initiale du "brûleur de Kaliningrad" (également connu sous le nom de "brouilleur baltique") a augmenté depuis le 23 décembre et a commencé à affecter le fonctionnement de la navigation GPS dans 10 pays européens : Pologne, Allemagne, Danemark, Norvège, Suède, République tchèque, Slovaquie, Lituanie, Lettonie et Estonie. On ne sait pas encore quel type d'appareil affecte le GPS dans toute l'Europe de l'Est et du Nord.

L'UE s'oppose aux libertés des citoyens en raison de l'ingérence fantôme de la Russie

La France présentera au niveau de l'UE un nouveau régime de sanctions contre les personnes qui soutiennent les campagnes de désinformation, a déclaré mardi le ministre français des affaires étrangères, Stéphane Séjourné.

"La France présentera bientôt un nouveau régime de sanctions contre les personnes qui soutiennent des activités de désinformation et de déstabilisation dans notre pays et dans l'ensemble de l'Europe", a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse. Il a également accusé la Russie de diffuser de fausses nouvelles et de manipuler l'opinion publique, et a déclaré que l'Europe était prête à "lutter contre la propagande russe".

Le Service d'information sur la sécurité (BIS) de la République tchèque a annoncé plus tôt qu'il avait démantelé un réseau de personnes prétendument financées par la Russie qui "voulaient influencer les événements politiques dans les pays européens".

L'agence polonaise de sécurité intérieure (ABW) a également indiqué que des perquisitions avaient été effectuées dans le cadre d'une affaire d'"espionnage en faveur de la Russie" et que la promotion d'initiatives et de campagnes pro-russes dans les médias avait été empêchée.

En outre, plusieurs médias européens citent les propos du Premier ministre belge Alexander De Croo, qui a affirmé que les députés étaient payés pour adopter une position anti-russe. Les accusations d'ingérence étrangère dans les processus politiques de l'UE sont devenues plus fréquentes à l'approche des élections du Parlement européen prévues en juin.

La Russie a déjà rejeté à plusieurs reprises les nombreuses accusations d'ingérence de l'Occident dans les affaires d'autres États, les qualifiant de gratuites. Dans le même temps, les pays occidentaux ne cessent de s'ingérer eux-mêmes dans les affaires de la Russie. Moscou a déclaré à cet égard qu'elle s'opposerait fermement à toute tentative d'ingérence étrangère dans ses affaires intérieures.

jeudi, 04 avril 2024

Des cendres aux flammes

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Des cendres aux flammes

par Mats Loman

Source: https://motpol.nu/matsloman/2024/04/02/ur-askan-i-elden/

Nous, Suédois, sommes peut-être plus mal en point que nous ne le pensons.

Il y a une guerre en Ukraine. Nous l'avons compris, en règle générale. Mais nous ne comprenons pas à quel point la guerre a pris de l'ampleur. Il ne s'agit pas seulement d'une guerre entre l'Ukraine et la Russie. C'est aussi une guerre entre les États-Unis et leurs États clients en Europe, d'une part, et la Russie, d'autre part.

La guerre est plus importante que ce que l'on nous a dit. Et les conditions d'une poursuite réussie de la guerre sont peut-être pires que nous ne le pensons et la défaite est plus que probable.

Les agents et les amis des États-Unis dans le monde politique suédois ont amené la Suède à adhérer à l'OTAN. La raison invoquée était que la Suède devait être assurée d'une plus grande sécurité. Il semble maintenant que le résultat, peu de temps après l'introduction, pourrait être exactement le contraire, une insécurité considérablement accrue.

En Allemagne, un scandale a éclaté il y a deux semaines.

La directrice de l'agence de presse russe RT, Margarita Simonyan, a annoncé le vendredi 1er mars que la partie russe avait appris que des officiers de la Bundeswehr avaient envisagé des actes de guerre allemands contre la Russie. Oui, ils ont même entendu les conversations en question. Ils les ont entendues parce que les conversations ont été interceptées et enregistrées. Le matériel a également été publié.

Le lundi de la semaine suivante (4 mars), le magazine patriotique allemand en ligne Zuerst ! a publié cette nouvelle pour la première fois. À ce moment-là, les reportages et les commentaires allaient bon train. Les Allemands ont commencé à parler de "der Taurus-Abhör-Skandal".

De quoi s'agit-il ?

Quatre officiers de l'armée de l'air allemande avaient passé des appels longue distance (en date du 19 février). Quatre généraux. Le chef de l'armée de l'air Gerhartz, un général d'état-major et deux généraux de corps d'armée. Trois des participants se trouvaient en Allemagne lors de l'appel, le quatrième était à Singapour.

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Les officiers ont parlé de la guerre en Ukraine. Ils ont mentionné les efforts déployés par les Britanniques et les Français. Les Britanniques et les Français aident déjà les Ukrainiens avec la technologie des fusées que les Ukrainiens ne peuvent pas ou ne sont pas autorisés à utiliser eux-mêmes.

Les Allemands ont parlé de l'opportunité d'une intervention allemande, avec des armes allemandes, avec les fusées dites Taurus. Ils ne voulaient pas être inférieurs aux Alliés. Les roquettes viseraient le pont russe sur le détroit de Kertch et d'autres cibles à l'intérieur du territoire russe. Comment procéder ? Combien de roquettes faut-il utiliser ?

Quelqu'un a mis les généraux allemands sur écoute. Qui ? On suppose généralement que ce sont les Russes qui ont écouté et enregistré la conversation tenue entre ces officiers allemands. Ce sont les Russes qui ont été les premiers à rendre public ce qui s'était passé.

Lorsque Zuerst ! écrivait sur ce scandale, les Russes avaient déjà fait plusieurs déclarations sur l'incident.

Maria Zacharova est porte-parole du ministère russe des affaires étrangères.

Mme Zacharova s'est indignée. "Maintenant, les Occidentaux ont reconnu", a-t-elle déclaré. Ils ont reconnu que des militaires d'autres nationalités sont directement impliqués dans la guerre en Ukraine. Le président français a récemment déclaré à plusieurs reprises qu'il pourrait être question de déployer des troupes françaises régulières en Ukraine. Les critiques affirment depuis longtemps que les unités régulières américaines et britanniques combattent en Ukraine, déguisées en mercenaires. Toutefois, l'Occident a toujours affirmé que l'Ukraine gérait sa propre défense. L'Occident n'aiderait que très peu l'Ukraine. Il n'y aurait que des mercenaires occasionnels. Pour Mme Zacharova, les conversations allemandes interceptées sont la preuve que l'Occident a menti sur sa propre contribution à la guerre.

Le président Poutine s'est également exprimé. Il a semblé moins bouleversé. Certes, il a jugé l'affaire remarquable. Mais il voulait surtout une explication. L'Allemagne a-t-elle l'intention de faire la guerre à la Russie, avec des attaques allemandes contre des cibles russes ?

Le président russe ne s'est pas contenté de demander une explication, il l'a exigée. La demande du président avait le caractère d'un ultimatum. Le président Poutine a déclaré qu'il attendait une réponse. Il a également précisé quand il comptait la recevoir.

Dans un premier temps, la partie allemande n'a pas su comment réagir à l'incident. Devait-elle admettre que les pourparlers avaient bel et bien eu lieu ou accuser les Russes d'avoir tout inventé ?

Les représentants du gouvernement allemand n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur une position commune, du moins en apparence.

Le chancelier Scholz a déclaré que quelque chose de très grave s'était produit et qu'une enquête approfondie devait être menée.

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Le ministre de la défense, M. Pistorius (photo), est particulièrement contrarié. Il s'indigne de ce qu'il considère comme une ingérence indue de la Russie dans les affaires intérieures allemandes. Les Russes tentent de semer la discorde et la division dans le camp occidental, a-t-il déclaré. Et l'Occident ne devrait pas permettre de telles divisions. Telle était la position de Pistorius.

Ni le chancelier ni le ministre de la défense n'ont nié que la conversation interceptée avait eu lieu. Ils n'ont pas non plus nié que la conversation avait le contenu entendu dans les enregistrements.

L'Allemagne a aujourd'hui une véritable opposition. Une opposition patriotique.

Elle aussi s'est exprimée sur le scandale du Taurus.

L'Alternative für Deutschland (AfD) a deux porte-parole publics, Tino Chrupalla et Alice Weidel.

Chrupalla a fait une déclaration. Il a réitéré la position de son parti sur la question de la guerre. Selon l'AfD, l'Allemagne ne doit pas chercher à entrer en guerre avec un autre État, ni avec la Russie. Le parti peut envisager un retrait de l'OTAN ; l'AfD ne souhaite pas vraiment que l'Allemagne reste dans une alliance militaire qui fait courir à l'Allemagne le risque d'un conflit avec des États avec lesquels elle n'a pas de différend.

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Chrupalla (photo) a trouvé la conversation des généraux de l'armée de l'air dérangeante. Les généraux ont enfreint la loi, a-t-il déclaré. Lui et son parti s'attendent à ce que le ministre de la défense démette les quatre généraux de leurs fonctions. Pour quelle raison ? Eh bien, M. Chrupalla suppose que les officiers allemands se sont engagés dans des plans de guerre que le gouvernement et le Bundestag n'ont pas décidés. Les forces armées allemandes ne peuvent pas faire la guerre de leur propre initiative. La loi allemande l'interdit. Les décisions de guerre doivent être prises par le gouvernement. Et une telle décision ne peut être prise par le gouvernement sans consultation et décision préalables du Bundestag.

John Helmer est un journaliste américain.

Le samedi 15 mars, ce journaliste américain publie lui aussi un article sur "der Taurus-Abhör-Skandal", dans le magazine en ligne également américain Unz Review.

Helmer annonce une nouvelle sensationnelle. L'interception en question n'était pas russe, comme on l'avait d'abord pensé, même du côté russe; elle était américaine. Et l'analyse des documents qui n'ont pas été inclus dans un premier temps a révélé, non pas que les généraux allemands se préparaient à la guerre dans le dos du gouvernement allemand, en collusion avec les Américains, comme on l'a cru dans certains milieux, mais que les généraux se préparaient dans le dos des Américains. Et qu'ils ont été mis sur écoute par ces derniers. Et leurs propos ont été révélés aux médias.

Helmer pense que les Américains ont compris qu'ils avaient perdu la guerre en Ukraine et qu'ils essaient maintenant de s'en retirer. Et que font les États clients des Américains en Europe dans cette situation? La conversation allemande qui a fait l'objet d'une fuite suggère, entre autres, qu'ils sont déjà impliqués dans la guerre. Que font-ils alors? Se retirent-ils également de la guerre? Non, explique M. Helmer, les États-clients européens envisagent de poursuivre la guerre contre les Russes par leurs propres moyens, sans les Américains.

En pratique, les Russes ont déjà gagné la guerre en Ukraine.

Les Américains veulent se retirer.

Les soldats allemands, britanniques et français sont déjà sur le terrain. Et leur réaction à l'éventualité d'un retrait des Américains n'est pas nécessairement d'arrêter leurs propres efforts, mais peut-être au contraire de les accroître encore.

Nous, Suédois, avons été intégrés à l'OTAN par un gouvernement très proche du gouvernement américain. Le parti américano-suédois a toujours pensé qu'en intégrant la Suède dans l'OTAN, nous serions sous la protection des États-Unis. Les Russes n'oseraient alors pas nous attaquer.

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Aujourd'hui, la situation est différente. Il y a une guerre avec la Russie. La guerre ne se passe pas bien pour l'Occident. Elle va si mal que les Américains envisagent apparemment de se retirer de l'effort de guerre. Les États européens clients des États-Unis se retrouvent donc seuls face à la Russie. Si la guerre en Ukraine ne peut être gagnée par les États-Unis et les États-clients ensemble, il est peu probable que les États-clients puissent gérer seuls une guerre avec la Russie. Les clients des États-Unis en Europe pourraient se lancer dans une aventure guerrière qu'ils ne pourraient pas gérer. En Suède, on ne nous a pas donné ce qu'il fallait "pour que nous puissions dormir tranquillement la nuit". C'est ce qu'avait promis le parti américain dans le monde politique suédois. Le résultat le plus probable est la propagation de l'insomnie. Du moins, lorsque les Suédois auront enfin compris ce qui se passe.

 

La montée en puissance de la Chine et l'effondrement de l'Occident

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La montée en puissance de la Chine et l'effondrement de l'Occident

par Maurizio Bianconi

Source: https://www.destra.it/home/lavanzata-della-cina-e-il-tracollo-delloccidente/

Lorsque le mur de Berlin est tombé (en 1989), on a dit que la démocratie avait vaincu le communisme. Il allait de soi que le soi-disant "monde libre" était désormais l'arbitre et le maître de la planète. 45 ans plus tôt, des nationalismes agressifs, dirigistes et impitoyables avaient été vaincus. Puis ce fut l'effondrement des régimes libertaires, collectivistes et classistes.

Le libéralisme, sans plus de contrepoids symétriques, perd toute réserve et devient - dit-on - "sauvage". Il a déclenché l'offensive spéculative, la croissance quantitative, réduisant de plus en plus les droits, les protections du travail, les identités des personnes et des communautés. Il a eu des illusions d'hégémonie et d'homogénéisation du monde.

Même cette partie orientale qui se présentait comme une terre de conquête: la Chine. Un milliard et demi de personnes à transformer en consommateurs et en main-d'œuvre bon marché. Un faux pas a été commis. L'entrée de la Chine dans l'W.T.O. (World Trading Organisation), c'est-à-dire son entrée dans la sphère du libre-échange.

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Dans les intentions, il s'agissait d'une stratégie de conquête et d'élimination progressive du collectivisme chinois, accompagnée d'une campagne d'augmentation des investissements, de circulation de l'argent, d'exploitation de la production sans droits et d'excellents profits, d'ouverture des crédits et des marchés. Ce qui est arrivé à l'Occident, c'est comme les joueurs de cornemuse des montagnes: ils sont allés jouer et ont été joués. Le communisme n'a pas été vaincu, il est vivant et bien vert.

Avec une patience toute chinoise, pas à pas, les Chinois ont commencé à mettre le pied à l'Ouest et à faire leur chemin. De victimes désignées, ils se sont lentement imposés comme premiers acheteurs de produits essentiels à la production de base, ont occupé des marchés concurrentiels et acheté des titres de la dette des gouvernements occidentaux. Ils ont littéralement acheté l'Afrique au kilomètre carré et les matières premières qu'elle possède en son sol, dans ses ports et ses escales en Occident. Ils se sont assurés, grâce à l'aide et aux intérêts productifs et commerciaux, le contrôle politique de territoires que l'Occident supposait être son domaine exclusif. Ils s'apprêtent à monopoliser l'électricité et à profiter de l'économie verte sans même en respecter les règles.

Avec la technique chinoise des mille blessures (en chinois, lingchi), ils démolissent le colosse et s'imposent comme une puissance mondiale antagoniste de l'Occident et destinée à la suprématie. Le communisme, depuis le de profundis récité à tort et à travers, triomphe sans jamais être mort, mais n'a seulement été vulnérable que dans son expression soviétique. Aujourd'hui, mêlé au sentiment national, à l'amour patriotique et au libre marché dûment hétérodirigé par l'État, il a donné naissance à une sorte de facho-communisme gagnant.

Le principe d'identité et l'impérialisme russe, repoussé dans l'orbite chinoise par les choix politiques occidentaux, gagnent aussi. La Russie suit son cours et renaît à l'ombre du bloc de l'Est, rendant contre-productif le siège de l'OTAN à ses frontières. Nous nous sommes empêtrés dans une guerre qui était le résultat d'une revanche historique et de provocations récentes dans l'espoir que l'économie spéculative des banques et de la finance en tirerait profit et que la Russie, en tant qu'agresseur, serait affaiblie.

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En réalité, l'Occident s'est enlisé dans un bourbier que la ruse millénaire de l'Orient a aussi fait croître. Il s'est retrouvé plongé dans la Troisième Guerre mondiale polycentrique, où la Chine - jusqu'à présent indirectement - frappe par segments, par petits points générant de la douleur. Les États-Unis et l'Occident se voient minés dans des positions, des marchés, des zones d'influence tandis que la République populaire de Chine occupe des espaces économiques et des positions stratégiques. L'Union européenne joue son rôle de serviteur obtus des Etats-Unis et entraîne ses pays membres dans le tourbillon.

Toute tragédie a son côté comique. Alors que l'échec de l'économie spéculative se déroule sous nos yeux et que la Chine triomphe et se développe à nos dépens, l'un des meneurs du jeu (européen), Mario Draghi, ne craint pas le ridicule et déclare que grâce à ces choix, la richesse et le bien-être du monde ont augmenté. L'exemple, dit-il, ce sont les 800 millions de Chinois qui ont considérablement augmenté leur niveau de vie.

"Oh, bravo !", s'exclame-t-on. Les succès chinois aux dépens de l'Occident seraient la preuve de la réussite des choix occidentaux de soumettre la Chine. Ici, on ne sait pas s'il faut faire preuve d'ironie ou reprendre le slogan de Grillo ou le prix de Giachetti. On se contente de dire que "la mauvaise volonté n'a jamais été de trop". Et comme le rappelle un proverbe de ma ville natale, mais connu partout, "a l'òcio ingordo gli schiantò il collo".

Le politiquement correct a gagné: la guerre entre les hommes et les femmes est enfin une réalité

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Le politiquement correct a gagné: la guerre entre les hommes et les femmes est enfin une réalité

Augusto Grandi

Source: https://electomagazine.it/il-politicamente-corretto-ha-vinto-la-guerra-tra-maschi-e-femmine-e-finalmente-realta/

Ils ont passé des années à prêcher la guerre des sexes, à prêcher la discorde là où il fallait de l'amour, à promouvoir l'isolement sentimental, à orchestrer des procès contre les hommes prévaricateurs, avant même que la catégorie "parents des victimes" n'invente la lutte contre le patriarcat. Et voilà qu'ils s'étonnent que mâles et femelles en soient venus à s'affronter sur tout. Les minus habentes politiquement corrects sont de curieux personnages. Ils créent des catastrophes et s'émerveillent des conséquences.

Cette fois, c'est The Economist - rapporté par Elena Tebano dans le Corriere - qui met à jour l'agacement des hommes dans les pays atlantistes face au nouveau parcours féministe. Ou, peut-être, face aux excès du nouveau cours. De manière significative, ce sont les garçons qui sont les plus agacés, tandis que les personnes âgées ne ressentent pas le poids de la concurrence inter-sexes. En se basant, selon The Economist, sur des données qui n'ont rien d'anodin: dans l'UE, les femmes diplômées de l'université représentent 46% du total des diplômés contre 35% pour les hommes, tandis que dans les pays riches, 18% des femmes ne savent pas lire à un niveau élémentaire contre 28% des hommes. Un quart des jeunes hommes sont donc incapables de comprendre un texte simple mais, au lieu de s'alarmer sur l'avenir de la société dans laquelle ils vivent, l'hebdomadaire britannique se préoccupe des relations entre les deux sexes.

Il est clair que ce sont les jeunes femmes qui occuperont les emplois les plus convoités, les mieux payés, où un diplôme est exigé. Mais on oublie que le monde industriel atlantiste se plie en quatre tous les deux jours pour convaincre les jeunes de ne pas perdre leur temps avec un diplôme et de choisir plutôt des formations professionnelles qui garantissent une entrée immédiate dans le monde du travail. Ils mentent donc.

Car, poursuit The Economist, l'agacement des hommes face au comportement non professionnel des filles ne relève pas du moralisme mais de la peur de perdre des places dans le monde du travail. Non seulement à cause des carrières garanties aux collègues féminines pour des raisons de management politiquement correct, mais précisément à cause de la préférence accordée aux filles à l'embauche.

Et, encore une fois, tout cela se heurte aux plaintes quotidiennes des employeurs - et aux maigres salaires - sur la difficulté ou l'impossibilité de trouver des jeunes travailleurs. 

Il y a quelque chose qui ne colle pas dans les analyses officielles. La seule chose réelle est que le politiquement correct a réussi le tour de force de rendre hostiles l'un à l'autre le mondes masculin et le monde féminin. Après tout, c'est le meilleur moyen de réduire la population, tout en continuant à faire semblant de se plaindre du nanisme.

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Les "troubles psychologiques des jeunes", un désastre ignoré par le politiquement correct

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Les "troubles psychologiques des jeunes", un désastre ignoré par le politiquement correct

Ala de Granha

Source: https://electomagazine.it/disagi-psichici-dei-giovani-un-disastro-ignorato-dai-politicamente-corretti/

Les Neets sont les jeunes qui n'étudient pas, ne travaillent pas et ne cherchent pas d'emploi. En Italie, ils sont 2 millions et le gouvernement s'est félicité d'avoir réduit leur nombre d'environ 1 million. Cependant, il s'est moins réjoui lorsqu'il s'est rendu compte qu'une partie des anciens Neets avait contribué à augmenter le nombre de chômeurs parce qu'ils cherchaient maintenant du travail. Ainsi, en même temps, le nombre d'actifs et le nombre de chômeurs ont augmenté simultanément. Ce qui est normal et correct, même si cela peut paraître étrange aux non-initiés.

Quant aux Neets, un article publié dans Avvenire affirme que "si la reprise de ces dernières années est positive, il est également probable que ceux qui en ont bénéficié sont ceux qui ont un profil professionnel et une formation plus attrayants; ceux qui ne souffrent pas des troubles mentaux croissants qui affectent les plus jeunes; ceux qui se trouvent dans une zone qui offre des opportunités d'emploi intéressantes. D'autres, en particulier les jeunes femmes et les jeunes hommes de notre Mezzogiorno, risquent au contraire d'être de plus en plus écrasés par ces facteurs externes, et nous ne pouvons pas penser que seul le marché, avec le temps, résorbera tous les problèmes".

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Au-delà de la dynamique de l'emploi, ce qui est le plus frappant, c'est la référence à la "détresse mentale croissante qui affecte les plus jeunes". Donc, cela nous est dit en passant, comme si c'était presque normal. Et pourtant, ce n'est pas le cas. Surtout sur le plan humain, familial, bien sûr. Mais aussi dans une analyse relative au monde du travail, cela devrait déranger. Ce sont ces jeunes qui devraient représenter l'avenir d'un pays. Et comme des problèmes similaires, voire bien plus importants, ont été constatés aux Etats-Unis et dans d'autres pays de l'Occident collectif, peut-être serait-il bon de commencer à s'inquiéter.

Il ne suffit certainement pas de leur trouver un emploi, car la détresse mentale demeure et est exacerbée sur le lieu de travail où - selon une autre étude - seuls 5 % des travailleurs italiens sont satisfaits. Et puis il n'y a pas que le travail. Il suffit d'observer la formation des aspirants chanteurs et danseurs dans l'émission Amici pour se rendre compte de la fragilité de beaucoup, de trop de garçons et de filles. Perpétuellement en larmes, en crise, indécis sur tout, nerveux. Certains sont même ingrats et injustes, mais avec un très mauvais exemple donné par les "professeurs" qui s'engagent à encourager la trahison des élèves par des enseignants rivaux. Un échantillon de la société italienne, peut-être. En tout cas déprimant.

mercredi, 03 avril 2024

"Masculinité et nationalisme": Shakespeare doit maintenant être gommé des mémoires

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"Masculinité et nationalisme": Shakespeare doit maintenant être gommé des mémoires

Source: https://zuerst.de/2024/04/02/maennlichkeit-und-nationalismus-jetzt-soll-shakespeare-demontiert-werden/

Londres. La mode "woke" et la haine du blanc s'attaquent de préférence aux grandes figures de l'histoire (intellectuelle) européenne. C'est maintenant au tour du poète national anglais Shakespeare (1564 - 1614). Une étude de l'université de Roehampton, réalisée pour le compte du Arts and Humanities Resarch Council du gouvernement britannique, accuse désormais le grand dramaturge d'être responsable, par son héritage littéraire, d'une culture théâtrale "sexiste" et "raciste".

Selon le Telegraph britannique, le directeur de l'étude, Andy Kesson, déplore que "la masculinité et le nationalisme aient été les principales motivations de l'ascension de Shakespeare au rang de référence en matière de grandeur littéraire" et avertit : "Nous devons considérer la place de Shakespeare dans le théâtre contemporain avec beaucoup, beaucoup plus de méfiance".

51YWF9n5o5L._AC_UF1000,1000_QL80_.jpgEn revanche, l'étude fait l'éloge d'un contemporain de Shakespeare, John Lyly (1553/54 - 1606), aujourd'hui largement inconnu. La pièce "Galatea" de ce dernier offrirait un regard bien plus varié sur la société et serait donc bien plus susceptible d'être mise en avant en tant que bien culturel national. En revanche, la raison du succès de Shakespeare est une culture de la virilité et du nationalisme, estime l'auteur de l'étude, Kesson.

L'opinion publique britannique n'apprécie pas le démantèlement du poète national. Ainsi, le député conservateur Jane Stevenson, membre de la commission culturelle du gouvernement britannique, souligne : "Les œuvres de Shakespeare ont été traduites dans une centaine de langues et continuent manifestement d'influencer les gens dans le monde entier. L'amour, la haine, l'ambition, la perte, la jalousie - toutes ces émotions sont universelles et nous pouvons tous encore nous identifier à elles".

Le satiriste et journaliste nord-irlandais Andrew Doyle est du même avis : "Il y a une très bonne raison pour laquelle Shakespeare est si souvent joué et John Lyly si rarement. Shakespeare était de loin le dramaturge supérieur. Les idéologues réduisent une fois de plus le grand art à de simples mécanismes de promotion d'une idéologie" (mü).

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Talibans: "L'Isis est un outil des services de renseignement étrangers"

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Talibans: "L'Isis est un outil des services de renseignement étrangers"

Markku Siira

Source: https://markkusiira.com/2024/03/28/taliban-isis-on-ulkomaisten-tiedustelupalvelujen-tyokalu/

L'Émirat islamique d'Afghanistan, dirigé par les talibans, a fermement condamné l'attentat terroriste du Crocus City Hall en Russie, affirmant qu'il "viole de manière flagrante toutes les normes humaines".

"Daesh [le nom arabe de l'ISIS], qui a attaqué des civils en Afghanistan et ailleurs dans le monde, montre une fois de plus à travers cet incident qu'il s'agit d'un groupe aux mains de services de renseignement étrangers, dont le but est de diffamer l'islam et de constituer une menace pour toute la région", a déclaré l'émirat dans un communiqué.

Le porte-parole des talibans, Sohail Shaheen, souligne également que "les Américains tentent de protéger les véritables auteurs [de l'attentat de Moscou] par leurs déclarations sur l'implication de l'ISIS". Par exemple, "le sénateur Lindsey Graham a tenté de détourner l'attention de l'enquête en cette période sensible".

Le mouvement taliban a accusé à plusieurs reprises les États-Unis d'entretenir des liens avec l'ISIS-Khorasan et affirme que les Américains utilisent le djihadisme comme instrument pour leurs propres attaques terroristes. Les Talibans estiment qu'il est clair que les services de renseignement du Tadjikistan et le Mossad israélien sont également impliqués. En général, les origines et le financement de l'ISIS remontent à des sources israélo-anglo-américaines.

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Depuis le retrait des États-Unis et de leurs alliés d'Afghanistan en 2021, le "groupe fantoche" ISIS-K est actif dans l'exécution d'attentats suicides dans la région. Les Talibans affirment que les terroristes de Khorasan Kharan sont "des ressortissants tadjiks entraînés au Pakistan et utilisés par les puissances occidentales dans le but de saboter la paix, le développement et les liens en Asie du Sud, principalement en ce qui concerne l'Afghanistan".

Pour un mouvement islamique, l'ISIS s'en prend uniquement aux ennemis des Etats-Unis et d'Israël. Occasionnellement, un individu peut aussi être inspiré par la propagande de l'ISIS et mener un acte de terreur de son propre chef, comme cela s'est produit à Turku en Finlande en 2017. Selon les talibans, le "groupe déguisé en islam" cherche à créer la discorde entre les musulmans et à accroître les tensions.

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Europe 1914 - 2024. Encore des somnambules?

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Europe 1914 - 2024. Encore des somnambules?

par Anton Giulio De Robertis

Source: https://www.sinistrainrete.info/articoli-brevi/27766-antongiulio-de-robertis-europa-1914-2024-di-nuovo-i-sonnambuli.html

À la veille de la Première Guerre mondiale, le sentiment dominant en Europe, le "topos", était celui de l'improbabilité de la guerre. Un sentiment que les positions peu scrupuleuses de nombreux dirigeants européens tendent à raviver aujourd'hui.

Les_somnambules.jpgCes dernières semaines, on a assisté à un retour sur un livre publié en 2013 par Christopher Clark sur la genèse de la Première Guerre mondiale, Les somnanbules. Eté 1914. Comment l'Europe a marché vers la guerre (The Sleepwalkers. How Europe got to the Great War), dans lequel les dirigeants qui ont mené leur pays à la guerre sont décrits comme des somnambules, c'est-à-dire des acteurs qui ont marché irrésistiblement vers un objectif dont ils n'étaient pas pleinement conscients.

L'étude analyse les dynamiques qui ont conduit au déclenchement de la Grande Guerre par des pays dont les sociétés, jusqu'aux échelons les plus élevés, sont restées liées au topos de l'"improbabilité de la dégénérescence" en un conflit général de la crise austro-serbe, pourtant grave.

Aujourd'hui, la guerre russo-ukrainienne risque de provoquer une dynamique similaire, car pendant toute la seconde moitié du 20ème siècle et les premières décennies de ce siècle, la conviction largement répandue, c'est-à-dire le topos, de l'impossibilité d'un conflit entre puissances dotées de l'arme nucléaire a dominé en raison de l'énormité des destructions qu'il entraînerait et auxquelles même l'hypothétique vainqueur n'échapperait pas.

En conclusion de son analyse de la genèse de la guerre qui a opposé les puissances de l'Entente, la France, la Grande-Bretagne et la Russie, à celle de la Triple Alliance (mais avec la défection de l'Italie) entre l'Autriche-Hongrie et l'Allemagne, Clark cite une phrase emblématique du topos de l'improbabilité prononcée en 1936, sur le balcon de l'hôtel de ville de Sarajevo, par Rebecca West, leader d'opinion dans le monde anglo-saxon de son époque : "Je ne comprendrai jamais comment cela a pu se produire".

Une phrase qui reprenait, plus de vingt ans plus tard, le sentiment largement répandu dans tous les cercles responsables des puissances qui se sont retrouvées plus tard impliquées dans la guerre.

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En fait, cette conviction est restée dominante dans les milieux politiques et militaires de ces pays jusqu'à l'ultimatum de Vienne à la Serbie. Jusqu'à cette date, ces milieux, même après la tentative d'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand, ont conservé leur optimisme quant à l'évolution de la crise et n'ont pas renoncé à la traditionnelle pause estivale ni à la routine des échanges internationaux.

Le chef d'état-major allemand Helmut von Moltke, par exemple, n'a pas interrompu sa cure thermale à Carlsbad; l'empereur Guillaume II est parti pour la Norvège le 21 juillet, en pleine crise, montrant qu'il excluait la possibilité d'une escalade vers un conflit majeur. De même, dans le camp opposé, le président français Poincaré, de retour avec le premier ministre Viviani de sa visite d'État en Russie, trouve déplacé d'avoir rappelé en France quelques unités militaires du Maroc. Le Premier ministre britannique Asquith, quant à lui, consacre tout le mois de juillet à la question de l'Ulster.

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Beaucoup moins optimiste, mais développant une vision essentiellement prémonitoire, un observateur extérieur très autorisé tel que le colonel House (photo), conseiller écouté du président américain Wilson, a signalé dès mai 14 que la course aux armements terrestres et navals en Europe conduirait à un conflit (1).

On sait comment la déclaration de guerre à la Serbie et la mobilisation russe ont enclenché une dynamique de mesures militaires que les hauts commandements des deux camps ne pouvaient plus différer, démentant le topos de l'improbabilité qui avait prévalu malgré la poursuite et l'aggravation de la crise austro-serbe. À partir de 1945, après l'utilisation de l'arme nucléaire contre le Japon, une conviction s'est répandue qui s'apparente en quelque sorte à la thèse de l'improbabilité du début du 20ème siècle: c'est le "topos de l'impossibilité" de la guerre nucléaire.

Après les explosions d'Hiroshima et de Nagasaki, cette conviction s'est imposée dans les milieux scientifiques les plus responsables, ainsi que dans les cercles diplomatiques et politiques de haut niveau, pour aboutir à la célèbre déclaration de Reagan et Gorbatchev à Genève en 1985: "la guerre nucléaire ne pouvait pas être gagnée et n'aurait jamais dû être menée".

Dans la crise ukrainienne, le topos qui semble donc vaciller aujourd'hui est celui de l'impossibilité d'un conflit nucléaire, alors même que dès les premiers signes de belligérance, le président américain a exclu toute hypothèse d'intervention directe des forces américaines, précisément pour éviter le déclenchement d'une escalade pouvant conduire à une confrontation nucléaire. La complication de cette position linéaire réside dans les différentes modalités de l'engagement des autres pays de l'OTAN à soutenir l'"Ukraine lésée".

Les formes et les dynamiques de ce soutien ont évolué dans une escalade continue de mesures et de fournitures de moyens qui, de défensives, ont tendu à acquérir progressivement des caractéristiques offensives - avec des développements dont les limites sont déclarées indéfinies - tout comme la réponse russe potentielle reste indéfinie, même si, à plusieurs reprises, Moscou n'a pas exclu de recourir à l'arme nucléaire, en cas de situation extrême.

Mais au-delà du déroulement des opérations sur le terrain et du type de ravitaillement envoyé à Kiev, dans les déclarations de certains dirigeants occidentaux sur le caractère inacceptable de la défaite de l'Ukraine, réapparaît l'attitude de Saint-Pétersbourg en 1914 qui, refusant a priori que la Serbie puisse être écrasée, a donné son feu vert aux mesures qui ont conduit au déclenchement de la Grande Guerre.

Ne pas s'interdire d'aider l'Ukraine à éviter sa défaite, et se réjouir de l'ambiguïté stratégique qui en résulte, implique d'adopter une attitude similaire de la part de l'autre camp, dont la panoplie comprend également l'arme nucléaire. On ne peut donc qu'être soucieux d'éviter que ne s'enclenche le même mécanisme imparable de 1914 qui a poussé les dirigeants européens à entrer en guerre comme des somnambules.

L'hypothèse de l'insertion d'unités militaires des pays atlantiques sur le théâtre de guerre ukrainien accentuerait ce risque, ajoutant une nouvelle pièce à cette guerre mondiale en morceaux dénoncée par le Pontife romain, et risquerait malheureusement de faire converger ces pièces vers un conflit mondial ouvert.

Quelles que soient les tâches que ces contingents pourraient accomplir, si certains d'entre eux tombaient sous le feu des Russes, la situation se présenterait, toujours exclue par le "topos de l'impossibilité": l'affrontement direct entre les forces russes et atlantistes.

À ces risques s'ajoute l'intention de déclencher une véritable course aux armements en Europe. Une dérive qui, déjà au début du 20ème siècle, comme nous l'avons vu, avait conduit un observateur aussi perspicace que le colonel House à prédire avec justesse l'inévitable déclenchement de la guerre, en contradiction flagrante avec l'opinion dominante de l'époque.

Une maxime très répandue veut que "l'histoire soit la maîtresse de la vie". Mais pour que la vie en profite, il faut que les leçons de l'histoire soient comprises par ceux qui sont responsables de notre destin. Pour l'instant, cela ne semble pas être le cas.

Extrait de Pluralia du 22 mars 2024

Note:

(1) Nous savons bien que le "topos de l'improbabilité" a été démenti par la dynamique imparable déclenchée après les mesures militaires de l'Autriche et de la Serbie par la volonté de Saint-Pétersbourg d'empêcher à tout prix la débâcle de la Serbie en lançant la mobilisation de ses forces. Une évolution qui, à son tour, a mis les militaires allemands en position d'imposer, comme indispensable à la sécurité de l'Empire, le déclenchement de mesures préventives similaires. Une dynamique dictée par la stratégie militaire, au-delà du souci de paix des autorités civiles, qui se trouvaient dans l'incapacité de faire des choix inspirés précisément par ce souci.